Huit ans de blog paysages sur le Monde.fr

en sicilie 1 entre Capizzi, Gangi et Petralia Sottana 27.05.2017, © Christophe Neff

« IL timbro cromatico era quello degli sterminati semineri attorno a Donnafugata, Estatici, imploranti clemenza sotto la tirannia del sole: anche in questa sala come nei feudi a metà agosto, il raccolto era stato compiuto da tempo, immagazzinato altrove e, come là, ne rimaneva soltanto il ricordo nel colore delle stoppie; arse d’altronde e inutili. Il valzer le cui note traversavano l’aria calda gli sembrava solo una stilizzazione di quell’incessante passaggio dei venti che arpeggiavano il proprio lutto sulle superfici assetate, ieri, oggi, domani, sempre, sempre, sempre (Tomasi di Lampedusa,  2011, p. 282.)

en sicilie 2 entre Capizzi, Gangi et Petralia Sottana 27.05.2017, © Christophe Neff

« Le timbre des couleurs lui rappelait les champs de blé sans fin à Donnafugata en extase,  implorant  grâce face à la tyrannie du soleil ;  dans cette salle comme sur les fiefs de la mi-août la moisson était déjà récoltée depuis longtemps, emmagasinée ailleurs. Reste le souvenir des couleurs des chaumes brulées et inutiles. La valse dont les notes traversaient l’air chaud ne lui semblait qu’un lointain souvenir du passage éternel des vents qui font des arpèges de leur deuil sur les surfaces assoiffées, hier, aujourd’hui, demain, toujours, toujours, toujours [1]» (traduction C.Neff)

en sicilie 3 entre Capizzi, Gangi et Petralia Sottana – Vue sur Gangi 27.05.2017, © Christophe Neff

J’ai pensé à ces phrases de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, dans le Guépard, quand j’ai pris ces photos, pendant la tournée Sicile 2017 de l’association forêt méditerranéenne, quelque part entre Capizzi, Gangi et  Petralia Sottana. La Sicile éternelle comme elle est décrite par Tomasi di Lampedusa,- des paysages à perte de vue …. la tyrannie du soleil, – la tyrannie du climat, des feux de forêts,  –  voyant les images qui me parvenaient de l’Incendie de Pedrógão Grande …. J’ai souvent pensé aux mots de Tomasi, ses descriptions des paysages siciliens, paysages méditerranéens… ces paysages marqués par les lumières du soleil, maudit par ses sècheresses, ses inondations. il ne parle pas d’incendies de forêt dans son roman, car la Sicile de Tomasi di Lampedusa n’était pas une terre de forêts. Mais les brûlures du soleil sur les paysages siciliens sont omniprésentes dans le Guépard.

Il y maintenant un peu plus de huit ans, débutait le 24.05.2009 avec le post  «  I. Un blog sur les paysages : un petit début – ou quelle langue choisir» le blog paysages sur le Monde.fr /les blogs le Monde. Depuis 401 articles ont vu le jour, la plupart écrits en français, occasionnellement en allemand et  très rarement des articles publiés en anglais [1]. 401 articles, lus par approximativement 199.520 lecteurs[2]. Huit ans de billets et petites notices écrits entre Rhin et Danube, Seine et Neckar, Aude, Moselle et Kinzig, sur les rives de la Méditerranée[3]  ….. Lectures de paysages et des livres ….. Souvenirs personnels franco-allemands – le temps passe et les paysages changent – et en France les présidences se suivent. Depuis que j’ai écrit mes premiers mots sur paysages, j’ai vécu la présidence de Nicolas Sarkozy, de François Hollande, et maintenant c’est le début du règne d’Emmanuel Macron. En Allemagne, Madame Merkel est chancelière depuis le 22 novembre 2005, et il semble – c’est au moins ce que je perçois,  qu’elle pourrait encore gagner les Élections fédérales allemandes le 24 septembre 2017 et remporter un quatrième mandat. Une grande majorité d’allemands ont le sentiment que ça va bien en Allemagne, –  et sauf si une nouvelle crise d’immigration – une nouvelle Flüchtlingskrise – se dessinait durant l’été/automne 2017 – Angela Merkel a toutes les chances de gagner les prochaines « Bundestagswahlen ».

éoliennes et champs de blé sur le Grünstadter Berg 25.06.2017, © Christophe Neff

Personnellement je préférerais que Martin Schulz gagne les prochaines élections fédérales, – mais je ne vois pas comment il pourrait persuader une majorité d’allemands de voter pour la SPD, même si le SPON dans un commentaire de Horand Knaup publie aujourd’hui dimanche 25.06.2017 pense que Martin Schultz et la SPD peuvent encore l’emporter. Pour finir, – Angela Merkel est souvent perçu comme la chancelière éternelle – où  le « weiterso » domine – mais sous sa « regnance » les paysages allemands changent, – le Atomaustieg (sortie du nucléaire) – la transition énergétique vers les énergies renouvelables laisse des traces  dans les paysages allemands, – la photo des éoliennes sur le Grünstadter Berg sont une image parlante, car depuis le « Atomaustieg » décidé par Angela Merkel après les évènements de Fukushima, l’ Accident nucléaire de Fukushima – les éoliennes sont devenues dans diverses parties de l’Allemagne un trait marquant du paysage. Pas partout, mais par endroit ici et là les éoliennes en Allemagne sont un élément bien visible du paysage allemand. Cette « floraison » sur une partie des paysages allemands c’est pour ainsi dire une trace bien visible de la politique énergétique des deux derniers gouvernements d’Angela Merkel.

Sources :

Servoise, Sylvie (2016) : „La scène du bal dans « Le Guépard » ou le début de la fin“ (VI, 225-251). Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense. http://www.revue-silene.com/f/index.php?sp=comm&comm_id=181

Tomasi di Lampedusa, Giuseppe (2011) : Il Gattopardo. Reclam Universal Bibliothek. ISBN 978-3-15-019799-8

Photos : Toutes © Christophe Neff

Christophe Neff, (écrit le 25.06.2017), publié le 26.06.2017

P.S.: Pour préparer/revoir la tournée Sicile 2017 de l’association forêt méditerranéenne j’avais lu  le Gattopardo dans la version de la Universalbibliothek Reclam. C’est le texte intégral en italien, avec dans chaque page une explication du vocabulaire clefs (5-10 mots par page) – et en fin du livre une postface écrite et éditée par Kerstin Marfordt.  Cette version est seulement distribuée en Allemagne, Autriche et en Suisse.

[1] Cette citation est extrait de la « parta sesta » – la fameuse scène du bal dans le Guépard. Concernant cette scène on lira avec intérêt «“La scène du bal dans « Le Guépard » ou le début de la fin“ (VI, 225-251) » de Sylvie Servoise (2016) .

[2] D’après Google Analytics  les cinq articles les plus consultés depuis le 14.09.2013 date sont: « Blognotice 12.2.2012: la banquise bloque le Port de Port Leucate », « Blognotice 28.07.2014: Bientôt le souvenir de l’église catholique chaldéenne et des églises syriaques (orthodoxes & catholiques) sera plus qu’un souffle de vent chaud dans le désert », « 1949 – l‘incendie meurtrier dans la Forêt des Landes », « Lundi 11 octobre 2010 – la mer se déchaîne sur la plage de Port Leucate », « Das Biafrakind »

[3] Voir aussi « Sept ans de blog paysages sur le Monde.fr »

Blognotice 03.12.2014: La traduction allemande de « La fin de la classe ouvrière » d’Aurèlie Filippetti dans les 20 livres à lire du Literaturherbst 2014 du Spiegel-online

En Allemagne nous avons le Bücherherbst ou Literaturherbst, – l’automne des livres. Cette saison de lecture débute avec la Frankfurter Buchmesse – et finit pendant l’Avent quand les journaux (quotidiens et hebdomadaires) nous inondent avec leurs pernicieux conseils pour les « livres-cadeaux » pour les fêtes de noël. D’ailleurs la Zeit a déjà fait un début cette année en publiant dans le dernier Zeit Literatur – 20 Schriftsteller empfehlen Bücher zu Weihnachten (20  écrivains nous recommandent des livres pour noël)(2014). Mais avant noël et pendant l’Avent il y a donc ce fameux Bücherherbst. A Grünstadt, – véritable trou de brouillard (Nebelloch) où pendant les mois d’automne le soleil  ne se montre que très rarement – cette saison est vraiment une saison particulièrement propice pour la lecture. Naturellement toute l’Allemagne n’est pas couverte  de brouillard pendant les mois, d’automne,  – personnellement la région où j’ai grandi la Raumschaft Schramberg dans la Forêt – Noire connaissait et connaît aussi pendant l’automne de belles éclaircies, – même parfois de véritables périodes de chaleurs automnales, pendant que la plaine rhénane, la vallée de la Kinzig sont couvertes  de brumes et de brouillards. Mais même dans cette  région plutôt ensoleille pendant l’automne, – le Bücherherbst invite le lecteur a la lecture.

C’est donc au début de ce Bücher & Literaturherbstes 2014 que je découvris début octobre 2014 dans l’article de Sebastian Hammelehle « Hits des Literaturherbstes: Die 20 wichtigsten neuen Bücher » du SPON  dans le 17 eme des 20 livres à lire pendant le Bücherherbst 2014 (d’après le SPON) la traduction allemande de       .  Der Untergang einer ganzen Welt, geschildert mit Pathos und Melancholie: In „Das Ende der Arbeiterklasse“ schildert Aurélie Filippetti am Beispiel der eigenen Familie den Niedergang der stolzen Französischen Linken. Lesen Sie hier die Rezension des Buches (La fin de tout  un monde,  nous est racontée  avec pathos et mélancolie. Dans « La fin de classe ouvrière » Aurélie Filippetti nous raconte à travers l’exemple de sa propre famille le déclin de la gauche française, de la fiiére gauche française (trad. C.Neff) »[1].

Donc je retrouve dans les critiques du SPON la traduction allemand du livre « la fin de la classe ouvrière » les souvenirs de mes premiers billets de paysages[2]  – dans lesquels le livre d’Aurèlie Filippetti et le monde qu’elle décrivait prenait une place considérable. Quand je lisais le livre d’Aurèlie Filippetti à la fin du printemps 2009, – débutant dans les blogs le monde, – encore traumatisé par un accident grave, – en mai 2009 je n’étais pas  sûr de retrouver mes capacités motrices pour enfin pouvoir  remarcher  de mes propres pieds.

Souvenirs de la mines et des mineurs sur les murs d’Hussigny, © C.Neff 8.5.2011

Dans le livre de Filippetti je retrouvais le monde dans lequel j’avais grandi,- ces histoires du Pays-Haut – de mineurs, de la minette, du fer – de l’Italie – même si tous ces paysages d’enfance  ne se passaient pas à Villerupt mais dans un village un peu plus à l’ouest, – à Hussigny-Godbrange, donc à peine quelques kilomètres près de Villerupt. Des autres noms, des autres villages de souvenirs en Italie, un décor  et des paysages semblables – mais le même monde, – qui était en train de disparaitre. En lisant la critique de Felix Bayer sur la traduction allemande du livre, je me disais qu’enfin je pourrais faire cadeau de ce livre à des amis, aux amis allemand de la Famille Neff, pour qu’ils découvrent ce monde, – dont on parlait aussi bien à Eckbolsheim, qu’à Aubord et à Port Leucate dans la famille des Migliori – et que ma mère avait importé  dans les profondeurs de la Forêt Noire et de l’aile gauche de la SPD à Schramberg, dans les Kreisverband Rottweil et même dans le « Landesvorstand » de SPD du Bade-Wurtemberg des années 1970. En quelque sorte les souvenirs de ce monde, – Hussigny – centre d’un paysage virtuel oublié – ressurgissait durant la lecture du livre de Filippetti – pendant le printemps 2009 – même si le centre littéraire du livre se situe plutôt entre Villerupt et Audun-le-Tiche.

La traduction d’Angela Sanman me semble être correcte, redonnant un peu le rythme du livre, même si personnellement je préfère la version originale écrite en français avec ces minuscules incursions en italien. D’ailleurs la traduction allemande contient un glossaire où les incursions italiennes sont traduites en allemand, et en plus quelques lieux géographiques et historiques sont expliqués au lecteur allemand. Bonne idée, mais on aurait pu un peu mieux détailler certaines explications. Dommage qu’on ne trouve pas de « Vorwort » ou de « Nachwort » d’Aurèlie Filippetti pour cette traduction.  Lisant régulièrement les blogs littéraires de Paul Edel et de Pierre Assouline, – on y rencontre assez souvent des discussions de commentateurs des deux blogs sur la qualité de traduction des œuvres littéraires. Je me demande, comment peuvent-ils juger sur la qualité littéraire d’une traduction – ont-ils lu la version originale et la traduction ? Comment pouvoir donner un jugement sans connaitre l’original et la traduction ? Cela me semble assez difficile.

En tous cas ce que me plaît beaucoup dans la RDL, c’est la version du traducteur , véritable coin du traducteur – car traduire un œuvre littéraire c’est un véritable art, qui n’ est malheureusement pas reconnu comme tel.  Là Pierre Assouline a eu une très bonne idée d’ouvrir son blog aux traducteurs littéraires.

Concernant la traduction du livre d’Aurèlie Filippetti j’ai le sentiment que c’est assez réussi et vais certainement faire cadeaux du livre (pour noël ? ou un anniversaire ?) à un de mes amis.

Pour finir, – personnellement j’aurais préféré voir Aurèlie Filippetti rester au gouvernement comme ministre de la culture. Je comprends ses raisons  d’avoir préféré retrouver de son siège de parlementaire – personnellement je suis plutôt favorable  au tournant social-libéral du nouveau gouvernement Valls II – même se je crains que le réseau ferré français, ce qu’ il reste des lignes de chemins de fers traversant les ruraux français auront un fort prix à payer –  oui je pense, que si le gouvernement ne change pas de politique  de transports – le chemin de fer va tout simplement disparaitre des paysages français, des campagnes françaises  –  combien de temps encore les trains circuleront encore sur la ligne des Causses  – est-ce que dans dix ans il y aura encore de trains empruntant le viaduc du Garabit pour simplement citer un exemple.

Le livre « la fin de la classe ouvrière » écrit par Aurèlie Filippetti il y a presque quinze ans est un peu tombé à l’oubli en France.  C’est un peu dommage – car ce livre est d’une part un voyage dans les paysages oubliés du Pays Haut « du Texas français, redevenu désert (Filippetti 2003, 11) » – d’une autre part la lecture de ce livre permet de mieux comprendre  les récentes choix politiques d’Aurélie Filippetti.

Notons à la fin de ce billet,  que la FAZ, quotidien allemand de tendance assez conservateur, nous livre une très bonne critique du livre par la plume de Lena Bopp – « Der Schatten eines Unterschiedes – In der Mine ist man solidarisch oder tot- : Wie die einstige französische Kulturministerin Aurélie Filippetti ihrer lothringischen Heimat ein Denkmal setzt (L’ombre d’une différence –  dans la mine on est solidaire ou on est mort – comment l’ancienne ministre de la culture française Aurélie Filippetti  a écrit un livre mémoire pour sa lorraine natale (trad. C. Neff).

Oui, on peut aussi lire ce livre, aussi bien dans sa traduction allemande comme dans l’originale français comme une géographie historique des paysages disparus du Pays Haut entre Longwy et Metz et partir en voyage.

Relire ce livre[3], personnellement pour moi, –  c’est une sorte de voyage de retour de à Hussigny, – dans le pays des mineurs de fer, le pays des hauts-fourneaux, le pays de de la petite Italie – encaisse entre la France et le Luxembourg –  un voyage que j’ai fait le 8.5.2011 en mémoire d’un lointain cousin mort en déportation à Bergen – Belsen ……. voyage que je referai certainement un jour – dans mes bagages le livre « Les Derniers Jours de la classe ouvrière » – qui m’accompagnera comme guide à travers les paysages oubliées du Pays Haut , et des ces hommes et femmes venue d’Italie pour en extraire de ses entrailles, le minerai de fer de la minette pour les besoins de l’industrie de l’acier français …..  Les paroles « Angelo, filio mio, quanto mi ha mancato ! sono fiero de te, sai, di tutto quel che hai fatto. Adesso, viene col babo, che ti aspetto da tanti anni ….. (Filippetti 2003, 47) » qui résonnent comme souvenir d’une lecture, d’un livre, – et la mémoire du gout des Gnocchi du Dimanche qui m’ont accompagné durant ma jeunesse à Eckbolsheim, à Aubord, à Port Leucate, à Schramberg-Sulgen ….

Sources :

Bayer, Felix (2014): Hollandes Ex-Ministerin als Romanautorin: Das letzte Hurra der Linken. Spiegel-online. 29.9.2014

Bopp, Lena (2014) : Der Schatten eines Unterschiedes – In der Mine ist man solidarisch oder tot- : Wie die einstige französische Kulturministerin Aurélie Filippetti ihrer lothringischen Heimat ein Denkmal setzt. In: Frankfurter Allgemeine Zeitung, Literatur 1.6, Samstag, 29. November 2014, Nr. 278

Filippetti, Aurélie (2003) : Les derniers Jours de la classe ouvrière. (Stock – Le Livre de Poche), ISBN 2-253-10859-6

Filippetti, Aurélie (2014) : Das Ende der Arbeiterklasse. Ein Familienroman. Aus dem Französischen von Angela Sanmann, S. Fischerverlag Frankfurt am Main, ISBN 978-3-10-002213-4

Zeit Literatur (2014): Schriftsteller empfehlen Bücher zu Weihnachten. N. 49, November 2014

Photos:  Souvenirs de la mines et des mineurs sur les murs d’Hussigny, Hussigny – Godbrange toutes © C.Neff  8.5.2011

Christophe Neff,  03.12.2014

Bonne Chance Professeur Monti – Auguri Professore Monti!

Après des  semaines de brouillard, enfin du soleil sur Grünstadt et la Unterhaardt. Hier matin le brouillard était encore si épais qu’on pouvait à peine voir à plus de 30 mètres. Mais après le soleil s’est brossé un chemin dans les brouillards rhénans. Et ce matin du Dimanche 20.11.2011, quelle surprise, le soleil est revenu sur la Unterhaardt. Je ne sais pas si ces rayons d’automne ont quelque chose de symbolique, mais cette semaine, en lisant le discours que Mario Monti  avait tenu devant le sénat italien le 17.11.2011 « L’Italia ha bisogno di investire nei suoi talenti, nei giovani (L’Italie a besoin d’investir dans ses talents, dans sa jeunesse trad. C. Neff)»  j’avais un peu le sentiment qu’ après 16 ans de berlusconisme, l’Italie avait enfin droit à quelques  lueurs d’espoir. « Finalement enfin un gouvernement,  un premier ministre italien crédible » (expression traduite par mes soins du blog « La Fuga dei Talenti » – de l’article « Auguri, Professor  Monti »).  Cette année l’Italie fêtait ses 150 ans d’unité, – ou aurait dû fêter  les 150 ans du Risorgimento – mais ce que le berlusconisme a fait de cette date d’anniversaire m’a laissé un vrai goût amer  – moi qui avais grandi avec les souvenirs des chemises rouges  de Garibaldi, la Giovine  Italia – raconté par mon grand-père. Dans mon enfance je m’embarquais avec mon grand-père Jean Migliori pour refaire l’expédition de Garibaldi.  De nos jours  on peut se demander ce  que 16 ans de Berlusconisme ont  produit de durable, une image qui restera, qui perdurera,  – « la caricature d’une certaine Italie : truqueuse, comédienne, machiste, provinciale et vulgaire. Irritante et inquiétante » (Préface d’Olivier Guez à une interview avec Umberto Eco « Italie c’est avant tout une langue » publiée dans le Monde du 18.3.2011)» – la caricature d’une certaine Italie – ce peut être l’héritage du Berlusconisme.

Il est clair que la tâche de Mario Monti sera rude, car je pense, que le Berlusconisme a transformé l’Italie d’une manière beaucoup plus profonde que nous ne l’envisageons. La fuite de jeunes talents est peut être le signe le plus visible. L’Italie, vielle terre d’émigration, est devenue la porte pour une partie de l’immigration africaine en Europe, mais en même temps  un phénomène s’est produit, un phénomène  presque inaperçu, la fuite de la jeune élite scientifique et intellectuelle vers d’autres destins, laissant derrière eux un pays profondément blessé par le Berlusconisme, un pays qui n’est plus capable de leurs ouvrir des horizons, un système universitaire agonisant. Ce ne sont  plus les bateaux partant vers les terres lointaines des Etats Unis, d’Argentine, plus les trains déchargeant les immigrés italiens devant les portes des  hauts fourneaux lorrains, des  mines de fer du Haut-Pays. La fuite de la jeunesse scientifique s’est plutôt faite a compte goutte, – mais après 16 ans de Berlusconisme cette fuite de jeunes talents a pris des proportions considérables.  Je me suis réellement aperçu de ce phénomène il y quelques semaines lors de mon voyage en Chine, mon voisin de siège dans le vol Frankfurt – Nanjing était une jeune anthropologue italienne,  polyglotte, doctorat en main, elle travaille pour le MPI en Chine  et actuellement elle ne voyait aucun avenir pour elle-même et pour sa génération dans l’Italie berlusconienne. Naturellement j’avais lu sur ce phénomène avant cette rencontre, mais je ne m’étais pas rendu compte de l’ampleur du phénomène.

Ce sont les lois de marchés qui ont obligé Silvio Berlusconi à quitter  la scène du pouvoir et encore, qui nous dit qu’il ne reviendra plus sur la scène.  Ce n’est  malheureusement pas la société civile italienne qui a obligé Berlusconi à quitter  la scène et le « Berlusconisme » aura encore de beaux jours devant lui si la jeunesse italienne ne revitalise pas la société civile italienne pour la nettoyer du virus du berlusconisme.  Il y a dans la dernière Zeit un article de Iris Radisch «Abrechung mit dem Despoten » qui nous résume une rencontre de Radisch avec Antonio Tabucchi à  Lisbonne, – et ce texte nous démontre à quel point le Berlusconisme a ravagé l’Italie.  Mais il nous donne aussi un  petit espoir « Der italienischen Jugend werde Italien seine  zweite Renaissance verdanken. Sie wohnen  überall in Europa.  Sie sprechen die europäischen Sprachen. Sie sei vollkommen europäisiert.  Sie ist die große Hoffnung Antonio Tabucchis (La deuxième renaissance sera l’œuvre la jeunesse italienne. Elle habite partout en Europe. Elle parle les langues européennes. Elle est complètement européenne.  La jeunesse italienne est le grand espoir d’Antonio Tabucchi Trad. Du Texte allemand de Iris Radisch par C. Neff).  Mario Monti pourra peut être calmer les marchés, peut être donner une lueur d’espoir aux jeunes talents qui quittent  l’Italie, mais je pense que la reconstruction de la société italienne sera un tâche immense et cette tâche immense ne pourra se faire sans l’engagement profond  de la jeune génération, de la jeunesse italienne !

Bonne Chance Professeur Monti  – Auguri, Professore Monti  – la charge est gigantesque  et en écrivant ce texte – le seul regret que j’ai c’est que je ne maitrise pas assez bien l’italien pour pouvoir écrire ces mots en italien.  Cette langue millénaire, dont Umberto Ecco dit dans l’interview déjà cité du Monde du 18.3.2011 – « Pour moi, l’Italie c’est avant tout une langue » ; c’est  peut être cela l’Italie, la langue chantante qui a survécu aussi bien à Mussolini qu’à Berlusconi , cette langue et ses dialectes , dont je fus imprègné (l’italo-romagnol de la basse – Italie de Hussigny) depuis mon enfance.

Christophe Neff le 20.11.2011