Les « Murmures à la jeunesse » de Christiane Taubira je les avais découverts dans l’article de Thomas Wieder « Le réquisitoire de Christiane Taubira contre la déchéance de nationalité » dans le Monde et j’avais décidé de me procurer le livre pour le lire un de ces jours – peut être durant le congé que je prendrais durant la Fasnacht ! J’avais écrit en Décembre 2015 un email à Pierre-Yves Le Borgn’ député représentant les Français établis hors de France (7e circonscription) pour le soutenir dans son combat contre la déchéance de la nationalité – email dans lequel j’avais rappelé quel mauvais souvenir cette mesure de déchéance de nationalité rappelait à un titulaire d’une double-nationalité franco-allemande,- comme par exemple, la loi dite « Gesetz über den Widerruf von Einbürgerungen und die Aberkennung der deutschen Staatsangehörigkeit » du 14. Juillet 1933 et cette fameuse Liste « Erste Ausbürgerungsliste des Deutschen Reichs von 1933 (première Liste de déchéance de nationalité du Deutsche Reich de 1933) » dans laquelle on trouve les noms de Georg Bernhard, Lion Feuchtwanger, Kurt Tucholsky, Heinrich Mann et Otto Wels – pour citer juste quelques noms de cette première liste de déchéance de nationalité du « Deutsche Reich » – cette liste était le début de 358 autres listes de déchéance de nationalité. Mon email envoyé à Pierre Yves Le Borgn’ finit avec la phrase « Avec ce projet de déchéance de nationalité on ne combat pas les terrorismes djihadistes, – mais par contre on sape les fondements de la république ! ». Je n’avais donc certainement pas besoin de lire le livre de Christiane Taubira, pour me forger une opinion assez précise sur le sujet. En plus, le nom de Christiane Taubira me rappelle le souvenir de la tragique défaite électorale de Lionel Jospin lors de l’Élection présidentielle française de 2002.
Les congés de la Fasnacht, – que j’avais initialement prévus de passer à Schramberg pour assister au Hanselsprung[1] et à la Da Bach na Fahrt, je les ai finalement passées pour diverses raisons personnelles à Grünstadt. Pendant que la tempête « Ruzica » balayait durant le Rosenmontag la Unterhaardt (et une assez grand partie du Sud de l’Allemagne) je me suis mis à la lecture du petit livre de Christiane Taubira. Je ne vais pas présenter une critique détaillée du livre, je me concentre sur quelques détails qui me semblent paraitre importants, – des critiques, on en trouve déjà un bien grand nombre sur la toile, dont l’article de Thomas Wieder déjà cité. Personnellement j’ai beaucoup apprécié la critique de « Cyclo », qui a été publiée sous le titre « une ministre qui écrit bien, ça existe ! » qui finit avec ces belles phrases « Magnifique livre qui s’adresse à des lecteurs : mais ceux-ci existent-ils encore ? Texte de réflexion et d’écoute : mais qui réfléchit encore dans un monde où on ne regarde pas plus loin que le smartphone dans sa main, qui écoute encore dans un monde où les oreilles sont bouchées par la cacophonie ambiante (et par des écouteurs) ? Texte beau, juste, salutaire : mais qui recherche la beauté, la justice (et la justesse), le salut, dans un monde vidé de préoccupations spirituelles ? (Extraits de une ministre qui écrit bien, ça existe ! par Cyclo)»
La lecture de du petit livre, fut une véritable tempête, tempête de citations, de poètes, de musiciens, d’artistes – l’image d’une France, mosaïques des paysages poétiques & artistiques, qui défilaient devant l’œil du lecteur. On retrouve les arguments « A qui parle et que dit le symbole de la déchéance de nationalité pour les Français de naissance ? Puisqu’il ne parle pas aux terroristes […], qui devient, par défaut, destinataire du message ? Celles et ceux qui partagent, par totale incidence avec les criminels visés, d’être binationaux, rien d’autre. […] C’est à tous ceux-là que s’adresse, fût-ce par inadvertance, cette proclamation qu’être binational est un sursis. Et une menace : celle que les obsédés de la différence, les maniaques de l’exclusion, les obnubilés de l’expulsion feront peser, et le font déjà par leurs déclarations paranoïaques et conspirationnistes, sur ceux qu’ils ne perçoivent que comme la cinquième colonne. » «Il faut refuser, malgré les intimidations, de capituler intellectuellement, écrit Christiane Taubira. Oui, il faut comprendre pour anticiper et aussi pour ramener du sens au monde. Que les cris des tyranneaux de la pensée cessent de tétaniser nos esprits. Sinon, par omission, nous aurons laissé s’installer de nouvelles frustrations grosses d’exaltations macabres, nous aurons arrosé le terreau où poussent ces contentieux passionnels. (…) Oui, au pays de Descartes, convoquons la raison » déjà cité dans l’article de Thomas Wieder.
Mais aussi le rappel du fait que ce fut le gouvernement de Vichy, qui prononça les premières déchéances de nationalité …. « Par ailleurs, le champ du symbole peut receler d’imprévisibles embûches. Ainsi les seules déchéances de nationalité ayant frappé des Français de naissance ont été prononcés par le pouvoir d’Etat du maréchal Pétain, contre le général de Gaulle et ses compagnons exilés à Londres pour organiser la Résistance, contre Pierre Mendes France, contre le général Leclerc, contre Felix Eboué, contre René Cassin, contre Pierre Brossolette (Taubira, Ch. 2016, 43). Ou ces mots « Un temps c’est le Juif, un autre c’est l’Arabe, puis le Négre, puis le musulman, après ou avant c’est la femme, ensuite l’homosexuel, puis le binational ….(Taubira, Ch. 2016, 78) ». Mais hors de cette argumentation contre la déchéance de la nationalité, qui était déjà la mienne avant la lecture de ce petit livre, – la mélodie de ce livre, qui rappelle le chant des oiseaux de printemps, mais aussi les tempêtes de printemps qui débarrassent les cimes des montagnes de leur manteau de neige hivernale c’est aussi un hymne d’amour à la république,à une certaine image de la France…. image de la France, que je retrouvais dans les récits de mes grand – parents[2] dont j’avais presque entièrement perdu les traces – et dont par la lecture des « murmures à la jeunesse » je retrouve cette image d’un lointain souvenir pleine d’actualité.
Ce livre mériterait, – déjà par le fait de multiples citations de génération des poètes, d’écrivains de figurer dans la grille de lecture des « Grundkurse & Leistungskurse Französisch » – ces classes de français en Allemagne dans la Oberstufe (classes terminales du système d’éducation allemand), dans lesquelles on retrouve les élèves allemands qui ont décidé des poursuivre leur apprentissage de la langue française. Dans ce livre ils trouveraient un riche terreau de vision sur la France, qui invite à la discussion, l’écoute, la réflexion …
Au-delà des bancs des classes de français terminales en Allemagne, – ce livre mériterait aussi d’être traduit en allemand, anglais etc. ….
Je finis avec une citation, que j’ai particulièrement appréciée dans ce petit livre …. « Ainsi est-il aisé de se souvenir que le drapeau aux trois couleurs fut, à sa naissance, l’emblème de la révolte contre l’oppression et l’inégalité, la bannière de l’espoir d’une société meilleure, l’étendard des valeurs éternelles qu’il faut chaque jour reconquérir : fraternité, égalité, liberté. (Taubira, Ch.2016, 80).»
Et finalement ce livre nous parle aussi, de valeurs, – des valeurs universelles !
Madame Taubira, Madame la député, même si je ne partage pas toutes vous opinions politiques, – je vous remercie vivement d’avoir écrit ce petit livre – dont la lecture ressemblait à une « tempête de printemps qui débarrasse les cimes de montagnes de leur manteau de neige hivernale » !
Source:
Taubira, Christiane (2016) : Murmures à la jeunesse. Paris, Éditions Philippe Rey. ISBN 978-2-84876-529-7
Christophe Neff, écrit le 09.02.2016, publié le 10.02.2016
[1] Voir aussi textes et images dans « Quelques impressions photographiques de la Fasnet 2011 à Schramberg (Hanselsprung, Da Bach na Fahrt) » et « Aschermittwochsblognotiz 2013 – eine bemerkenswerte Begegnung beim Schramberger Hanselsprung am Fasnetssonntag 2013 (10.2.2013) »
[2] Voir aussi mon billet „Villa Jasmin“ ou l’essai (très personnel) « Zinedine Zidane – et nous les macaronis de « basse Italie » » disponible ici.