Souvenirs du mardi 22.11.2011 – Ne dis jamais que c’est ton dernier chemin

Après un long voyage matinal à travers les brumes rhénanes, arrivant au bureau le matin du 22.11.2011 découvrant la lumière pâle de quelques rayons de soleil sur le Kraichgau, après que j’ai mis en marche l’ordinateur du bureau : déferlante d’emails ,comme chaque matin,  un petit coup d’œil sur le Spon : un feu de forêt dans les Alpes bavaroises à Lenggries qui pose problème aux pompiers , email d’alerte des abonnées le Monde : « La veuve de l’ancien président français François Mitterrand est morte dans la nuit de lundi à mardi » et découverte de la nécrologie dans le Monde.fr  « Danielle Mitterrand – combat d’une militante ».  En lisant cette nécrologie de Béatrice Gurrey, en découvrant les extraits de sa dernier interview avec Corinne Chabaud du magazine la vie,   ressurgissent  les mots de Serge Moati « Mitterrand, muet, grave, est assis à l’avant de la R30, près de Pierre son chauffeur. A l’arrière, Danielle bien sûr, et sa sœur Christine. Conduisant lentement sous les trombes d’eau, le camarade Tourlier, membre de l’aile gauche du parti socialiste, se met ä fredon­ner L’Internationale. Le vieil hymne d’espoir et de révolte est repris par les deux sœurs euphoriques et rieuses. Et par Mitterrand. Un peu. Puffs, Danielle dit à François :

Tu sais, le plus important pour moi, François, c’est que ce soir, cinq hommes, condamnés à mort, ont appris qu’ils n’allaient pas mourir. Et elle ajoute : Que c’est étrange, c’est comme si, à la radio, on parlait d’autres gens que nous… je n’arrive pas à y croire. (Moati, S 2011, 137-138). »  – mots que j’avais lus il y a à peine quelques mois, dans  le livre de souvenir « 30 ans après » de Serge Moati dédie au 11 mai 1981.

Il y avait aussi ce matin la une belle nécrologie de Stefan Simons du Spiegel – Zum Tode Danielle Mitterrands: Ihr Herz schlug links – et depuis, une semaine est passée – il y eu a la cérémonie des derniers hommages à Cluny, avec l’émouvant discours d’hommage de Gilbert Mitterrand et de Michel Joli , et toujours ces brumes rhénanes incessantes pendant que j’écris, la France, l’humanité a perdu une grande personnalité  une voix qui s’élevait pour les opprimés du monde ! Notre Monde aura toujours besoin  d’une telle voix, de nos jours il suffit de tourner le regard vers la Syrie!

Danielle Mitterrand restera dans mon souvenir cette combattante éternelle pour l’abolition de la peine de mort,  pour les droits de l’homme, pour les opprimés oubliés du monde, mais surtout cette jeune femme courageuse résistante aux yeux de chat, qui tomba amoureuse d’un certain Capitaine Morland !

Adieu Madame – zog nit keyn mol, az du geyst dem letstn veg (Ne dis jamais que c’est ton dernier chemin), c’est avec ce mots de Hirsch Glik que je vous dis Adieu – avec une pensée pour votre courageux Père, Antoine Gouze qui refusa d’établir la liste des enfants et des professeurs juifs de son école, et qui hébergeait dans sa « villa Romada »  Henri Frenay et Bertie Albrecht.

Source citées :

Joli, Michel (2011) : Discours d’hommage de Michel Joli pour Danielle Mitterrand, Cluny le 26 novembre 2011.

Mitterrand, Gilbert (2011) : Discours d’hommage de Gilbert Mitterrand pour Danielle Mitterrand, Cluny le 26 novembre 2011.

Moati, Serge (2011): 30 ans après.  Paris, Editions du Seuil, ISBN 978-2-02-098819-3.

Christophe Neff, le 29.11.2011

Bonne Chance Professeur Monti – Auguri Professore Monti!

Après des  semaines de brouillard, enfin du soleil sur Grünstadt et la Unterhaardt. Hier matin le brouillard était encore si épais qu’on pouvait à peine voir à plus de 30 mètres. Mais après le soleil s’est brossé un chemin dans les brouillards rhénans. Et ce matin du Dimanche 20.11.2011, quelle surprise, le soleil est revenu sur la Unterhaardt. Je ne sais pas si ces rayons d’automne ont quelque chose de symbolique, mais cette semaine, en lisant le discours que Mario Monti  avait tenu devant le sénat italien le 17.11.2011 « L’Italia ha bisogno di investire nei suoi talenti, nei giovani (L’Italie a besoin d’investir dans ses talents, dans sa jeunesse trad. C. Neff)»  j’avais un peu le sentiment qu’ après 16 ans de berlusconisme, l’Italie avait enfin droit à quelques  lueurs d’espoir. « Finalement enfin un gouvernement,  un premier ministre italien crédible » (expression traduite par mes soins du blog « La Fuga dei Talenti » – de l’article « Auguri, Professor  Monti »).  Cette année l’Italie fêtait ses 150 ans d’unité, – ou aurait dû fêter  les 150 ans du Risorgimento – mais ce que le berlusconisme a fait de cette date d’anniversaire m’a laissé un vrai goût amer  – moi qui avais grandi avec les souvenirs des chemises rouges  de Garibaldi, la Giovine  Italia – raconté par mon grand-père. Dans mon enfance je m’embarquais avec mon grand-père Jean Migliori pour refaire l’expédition de Garibaldi.  De nos jours  on peut se demander ce  que 16 ans de Berlusconisme ont  produit de durable, une image qui restera, qui perdurera,  – « la caricature d’une certaine Italie : truqueuse, comédienne, machiste, provinciale et vulgaire. Irritante et inquiétante » (Préface d’Olivier Guez à une interview avec Umberto Eco « Italie c’est avant tout une langue » publiée dans le Monde du 18.3.2011)» – la caricature d’une certaine Italie – ce peut être l’héritage du Berlusconisme.

Il est clair que la tâche de Mario Monti sera rude, car je pense, que le Berlusconisme a transformé l’Italie d’une manière beaucoup plus profonde que nous ne l’envisageons. La fuite de jeunes talents est peut être le signe le plus visible. L’Italie, vielle terre d’émigration, est devenue la porte pour une partie de l’immigration africaine en Europe, mais en même temps  un phénomène s’est produit, un phénomène  presque inaperçu, la fuite de la jeune élite scientifique et intellectuelle vers d’autres destins, laissant derrière eux un pays profondément blessé par le Berlusconisme, un pays qui n’est plus capable de leurs ouvrir des horizons, un système universitaire agonisant. Ce ne sont  plus les bateaux partant vers les terres lointaines des Etats Unis, d’Argentine, plus les trains déchargeant les immigrés italiens devant les portes des  hauts fourneaux lorrains, des  mines de fer du Haut-Pays. La fuite de la jeunesse scientifique s’est plutôt faite a compte goutte, – mais après 16 ans de Berlusconisme cette fuite de jeunes talents a pris des proportions considérables.  Je me suis réellement aperçu de ce phénomène il y quelques semaines lors de mon voyage en Chine, mon voisin de siège dans le vol Frankfurt – Nanjing était une jeune anthropologue italienne,  polyglotte, doctorat en main, elle travaille pour le MPI en Chine  et actuellement elle ne voyait aucun avenir pour elle-même et pour sa génération dans l’Italie berlusconienne. Naturellement j’avais lu sur ce phénomène avant cette rencontre, mais je ne m’étais pas rendu compte de l’ampleur du phénomène.

Ce sont les lois de marchés qui ont obligé Silvio Berlusconi à quitter  la scène du pouvoir et encore, qui nous dit qu’il ne reviendra plus sur la scène.  Ce n’est  malheureusement pas la société civile italienne qui a obligé Berlusconi à quitter  la scène et le « Berlusconisme » aura encore de beaux jours devant lui si la jeunesse italienne ne revitalise pas la société civile italienne pour la nettoyer du virus du berlusconisme.  Il y a dans la dernière Zeit un article de Iris Radisch «Abrechung mit dem Despoten » qui nous résume une rencontre de Radisch avec Antonio Tabucchi à  Lisbonne, – et ce texte nous démontre à quel point le Berlusconisme a ravagé l’Italie.  Mais il nous donne aussi un  petit espoir « Der italienischen Jugend werde Italien seine  zweite Renaissance verdanken. Sie wohnen  überall in Europa.  Sie sprechen die europäischen Sprachen. Sie sei vollkommen europäisiert.  Sie ist die große Hoffnung Antonio Tabucchis (La deuxième renaissance sera l’œuvre la jeunesse italienne. Elle habite partout en Europe. Elle parle les langues européennes. Elle est complètement européenne.  La jeunesse italienne est le grand espoir d’Antonio Tabucchi Trad. Du Texte allemand de Iris Radisch par C. Neff).  Mario Monti pourra peut être calmer les marchés, peut être donner une lueur d’espoir aux jeunes talents qui quittent  l’Italie, mais je pense que la reconstruction de la société italienne sera un tâche immense et cette tâche immense ne pourra se faire sans l’engagement profond  de la jeune génération, de la jeunesse italienne !

Bonne Chance Professeur Monti  – Auguri, Professore Monti  – la charge est gigantesque  et en écrivant ce texte – le seul regret que j’ai c’est que je ne maitrise pas assez bien l’italien pour pouvoir écrire ces mots en italien.  Cette langue millénaire, dont Umberto Ecco dit dans l’interview déjà cité du Monde du 18.3.2011 – « Pour moi, l’Italie c’est avant tout une langue » ; c’est  peut être cela l’Italie, la langue chantante qui a survécu aussi bien à Mussolini qu’à Berlusconi , cette langue et ses dialectes , dont je fus imprègné (l’italo-romagnol de la basse – Italie de Hussigny) depuis mon enfance.

Christophe Neff le 20.11.2011

Blognotice 15.11.2011 – les échos de l’énigme de Zwickau

Le week-end du 13 au 14.11 aurait pu être un paisible week-end de novembre, commémoration du Volkstrauertag (voire aussi mon dernier billet 11 Novembre 2011 – Volkstrauertag 2011), mais durant ce week-end l’Allemagne était  une fois de plus confrontée à ses vieux démons qui ressurgissent de temps en temps – «la Nationalsozialistische Weltanschauung», cette fois ci elle se manifeste sous le nom «Nationalsozialistischer Untergrund» : cellule de terrorisme d’extrême droite qui pendant à peu prés 10 ans a commis  au moins 10 meurtres (voir aussi le portfolio le Monde : Néonazis allemands : dix ans d’errance meurtrière revendiqués). L’Allemagne politique et médiatique est consternée, choquée – et on se demande comment un petit groupuscule d’extrême droite peut survivre 10 ans dans la clandestinité et commettre au moins 10 meurtres,   9 immigrés d’origine turque et grecque assassinés sauvagement  (Mordserie Bosporus) , le meurtre de la jeune policière Michèle Kiesewetter à Heilbronn ,  sans que les autorités aient eu le moindre soupçon.  Le rôle du Verfassungschutz, qui semble n’avoir eu aucune connaissance sur l’existence d’une cellule de terrorisme d’extrême droite semble assez opaque, ne parlons pas du Thüringer Landesamt für Verfassungsschutz qui semble avoir une histoire assez douteuse.

Le dernier Spiegel (49/14.11.11) est intitulé – «Die Braune Armee Fraktion – die unheimlichen Bekenntnisse einer rechtsradikalen Terrorgruppe» –  mais je ne crois pas que cette allusion implicite à la RAF soit vraiment pertinente. Il me semble plutôt que le terrorisme d’extrême droite ressurgit de temps en temps d’un bas fond d’opinions racistes et d’extrême droite que presque chaque société possède (en France aussi); ces fameux dix pour cent , en ex-RDA ce sont plutôt 20- 30 % – et chaque fois ce vieux démon du terrorisme d’extrême droite renaît de ces bas-fonds toujours présents; les pouvoirs publics allemands, tellement occupés  par la lutte contre l’extrême gauche et maintenant aussi contre le terrorisme islamiste, sont tout simplement incapables et peut être aussi « unwillig » de vouloir bien observer se qu’il se passe du  côté de l’extrême droite. En allemand il y a même une expression qui s’est créée – auf dem rechte Auge blind sein – être aveugle de  l’œil droit.  La NSU n’est absolument pas une première de la « deutsche Nachkriegsgeschichte » – il suffit de se rappeler l’Attentat de l’Oktoberfest en décembre 1980 faisant 13 morts et 211 blessés, les émeutes de Hoyerswerda en Septembre 1991 et les émeutes de Rostock-Lichtenhage en aout 1992, les attentats de Mölln en Novembre 1992, l’attentat de Solingen en Mai 1993, pour simplement citer de mémoire les principaux «phénomènes» de terrorisme d’extrême droite durant les trente dernières années en Allemagne.  Pour ajouter une touche personnelle, pour mon père qui succomba à un cancer en janvier 1992, les émeutes racistes de Hoyerswerda du Septembre 1991 étaient  un signe manifeste que les vieux démons de la «Nationalsozialistische Weltanschauung» – n’étaient pas près de disparaître, au contraire . La nouvelle Allemagne réunifiée, les nouveaux anciens territoires de l’Est (l’Ex RDA) étaient devenus une vraie pouponnière pour la «Nationalsozialistische Weltanschauung». Quelle déception, pour lui qui avait mis tellement d’espoir dans cette Allemagne réunifiée, de voir comment les vieilles idées du Nazisme trouvaient dans l’ex RDA un champ vierge prêt à être bien exploité et donner une bonne moisson. Vu de ce point de vue, il n’est pas surprennent d’apprendre que la NSU, s’est formée en EX RDA, avec sa base a Zwickau, mais se répandait  à partir de la dans toute l’Allemagne.

Dans quelques semaines, après que  l’intérêt médiatique allemand se sera calmé, – on aura peut être droit à une série d’articles d’investigation dans le Spiegel qui brisera ce calme prévisible, car il faut l’avouer il reste encore beaucoup d’ombre dans le « Rätsel de Zwickau »,  toute l’excitation médiatique et politique, les grandes annonces politiques qui nous promettent enfin d’œuvrer contre l’extrême droite, tout cela  sauf un miracle inattendu  tombera assez vite dans un profond oubli ! L’Allemagne, comme jadis l’ex RFA (die alte Bundesrepublik Deutschland) restera comme toujours «auf dem rechten Augen blind». Je ne crois  guère que j’aurai la chance de m’apercevoir que je me trompe.

Christophe Neff,  le 15.11.2011

11 Novembre 2011 – Volkstrauertag 2011

Grisaille, brumes, bruine et bouillasse – temps de novembre dans le Oberrheingraben. La France vient de commémorer  le 11. Novembre 1918, jour du souvenir  des morts de la grande guerre, dans un climat d’atmosphère « préélectorale » – vu les déclarations du Président Sarkozy, de François Hollande et de Eva Joly. L’Allemagne ne fête  pas le 11. Novembre, jour de l’armistice de 1918, – elle commémore ses morts au Volkstrauertag  (Gedenken an die Kriegstoten und Opfer der Gewaltherrschaft aller Nationen  ) le deuxième dimanche avant le premier dimanche de l’Avent, donc cette année le 13.11.2011. Le 11 novembre en Allemagne, dans beaucoup de régions, c’est surtout le Martinstag ou Martini – jour de mémoire pour Saint Martin de Tours.  J’aime beaucoup ce symbole de  Martin le miséricordieux tranchant sa cape pour protéger  le malheureux pauvre soufrant du froid en face de lui. En Allemagne, de nos jours dans les communes rurales, les enfants avec leurs lampions suivent encore un cavalier  déguisé en officier romain qui, symboliquement, divise sa cape à la  fin de la petite procession.

D’une part donc pour moi le 11 novembre c’est le « Martinitag » – mais c’est aussi le souvenir éternel  de la grande guerre, aussi  bien dans ma famille française que dans ma famille allemande.  Combien de fois j’ai entendu ma grandmère ou ma mère me raconte  l’histoire de mon arrière grand oncle Victor Tavard – soldat français pendant la grande guerre – et de son cousin Franz qui combattait pour les prussiens dans la même guerre.  Ce souvenir des morts des deux côtés de la frontière, beaucoup de familles d ’Alsace, de Moselle l’ont partagé et peut-être que le souvenir de ce deuil ne s’est pas encore éteint dans cette partie de l’est de la France.  Ce souvenir, on le retrouve dans le Monument aux Mort de Strasbourg , la Piéta de Léon-Ernest Drivier symbolisant la ville de Strasbourg pleurant ses fils tombés  sous les drapeaux  allemands et français.  Un de ces enfants alsaciens tombés, les premiers jours de la guerre, fut Ernst Stadler, – tombé sous l’uniforme prussien le 30 Octobre 1914 à Zandvoorde près de Ypres. Ernst Stadler, que je considère comme le symbole de l’expressionisme littéraire allemand – peut être un des plus grands poète de langue allemande – un poète quasiment inconnu  en France et en Allemagne un poète presque complètement tombé dans  l’oubli, dont l’œuvre n’est depuis longtemps plus  distribué  par les maisons d’éditions allemandes. On retrouve quelque traces de Ernst Stadler dans l’essai de Charles Fichter  (2011) sur le milieu littéraire à la fin du siècle en Alsace publie dans le dernier Numéro d’Allemende – Zeitschrift für Literatur.  Ernst Maria Richard Stadler,  poète alsacien de langue allemande (ein elsässischer Lyriker der in deutscher Sprache dichtete : l’article wikipedia.de dans la version du 12.11.2011),  mourut pendant les premiers jours de cette grande guerre comme des centaines de milliers d’autres hommes connus et inconnus, cette hécatombe qui en provoqua d’autres  et dont nous subissons jusqu’à  nos jours les conséquences. Dans ce contexte je renvoie au dernier Interview de Joschka Fischer dans la Zeit du 10.11.2011 intitulé  « Vergeßt diese EU », son paragraphe sur les mémoires de Stefan Zweig, la grande  guerre  et les risques  de voir  échouer  le rêve d’une Europe politique & culturelle unie.  Pour finir cette petite notice sur le 11 novembre et le Volkstrauertag je me permets de faire revivre un extrait du discours qu’ Henry Lévy, conseiller général démocrate du canton de Strasbourg-Nord, prononça lors de l’inauguration du monument au mort de Strasbourg le 18. Octobre 1936

Monsieur le Président de la République. Dans l’hommage que vous nous faites, l’insigne honneur apporter à la France tout entière, personnifiée par son premier magistrat, c’est du fond du cœur, que le comité du monument aux morts de Strasbourg, vous prie d’agréer l’expression de sa respectueuse et profonde reconnaissance. Nous assurons également de notre gratitude les représentants du gouvernement : M. le ministre de la santé publique et M. le sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil. Nos plus sincères remerciements s’adressent aussi à notre municipalité aussi bien l’ancienne que l’actuelle municipalité, autour de Charles Frey à partir du 18 mai 1935 qui, en mettant à notre disposition ce bel exemple de la place de la République, nous a permis de doter notre ville d’un monument digne des sacrifices qu’il commémore, digne aussi de son patrimoine artistique, l’hommage unanime à nos morts. Le visiteur parcourant notre ville, pouvait s’étonner de n’y point trouver comme dans toutes les communes de France même les plus petites, le monument à ses morts de la grande guerre, tombés pendant quatre années d’une lutte sans merci, sur la terre de France, de Belgique, sur les steppes glacées du front russe ou dans les tranchés d’Orient, ou disparus sur les mers lointaines.

Il semblait qu’une page manquât à l’histoire de Strasbourg, si étonnamment fidèle cependant à son passé. Et quelle page. La plus émouvante et la plus tragique.

Pourtant nous savons bien que Strasbourg ne laissera jamais s’éteindre la flamme du souvenir et que nulle part peut-être, n’est restée aussi vivace dans les cœurs la mémoire de ceux qui sont tombés, car nous avons connu chez nous l’une des faces les plus douloureuses de la guerre. Celle qui oppose les uns aux autres, comme des ennemis, des frères séparés par l’annexion de 1871 et qui se retrouveraient pour se combattre. Le sculpteur Drivier a admirablement su exprimer – et nous l’en remercions chaleureusement -, le symbole que nous attachons à cette œuvre et que nous lui avons demandé de réaliser : toute cette tragédie est évoquée dans la douleur que reflète cette belle figure de femme non seulement symbole de la patrie, mais symbole aussi de l’humanité meurtrie… recueillant avec une émouvante sollicitude deux guerriers mourants, tombés sous les plis de deux drapeaux, mais, dont les mains se cherchent pour s’unir dans une suprême étreinte.

Chacun ressentira profondément la grande pensée qui se dégage de cette œuvre et puisse-t-elle être pour ceux qui nous suivront un objet de méditation ainsi qu’un enseignement. Je voudrais que l’écho des sentiments qui nous animent soit porté plus loin par les flots du Rhin, et que ce monument soit une pierre à l’édifice de la paix, qu’il soit un appel à l’union des peuples, à une fraternité fondée sur la justice et le respect des droits en même temps qu’un acte de foi dans les destinées de notre pays. » (Source : http://judaisme.sdv.fr/perso/dirige/henrlevy/henrlevy.htm – dernière consultation le 12.11.2011 vers 15:00)

Ce discours de Henry Lévy mérite d’être relu  de nos jours, pour nous souvenir quel le douleur la grande  guerre fit parmi les peuple de l’un et de l’autre côté du Rhin  et pour que le rêve d’une Europe uni ne se rétrécisse pas à la question de la monnaie européenne, de la survie de l’Euro, mais pour rappeler comment nous voulons construire un espace européens où  des  drames comme ceux de  la « grande guerre » ne se reproduiront jamais.

Sources citées :

Daltroff, Jean (2005): Henry Lévy, – Initiateur du Monument aux morts place de la République à Strasbourg. Extrait de l’Almanach du KKL-Strasbourg, 2005. Edité par  http://judaisme.sdv.fr/perso/dirige/henrlevy/henrlevy.htm  dernière consultation le 12.11.2011 vers 15:00

Fichter, Charles (2011) : Das literarische Milieu im Elsaß während des Fins de siècle. In : Allmende – Zeitschrift für Literatur. Literarische Landschaften- das Elsass, pp. 27-36, ISBN 978-3-88190-639-5

Fischer, Joschka (2011) : Vergeßt diese Eu. Interview dans la Zeit du 10.11.2011 avec Tina Hildebrandt & Heinrich Wefing. Die Zeit, 10 November 2011.

Christophe Neff, le  13.11.2011 – Volkstrauertag 2011.

Blognotice 2.11.2011

Survolant les sommets du Altai, les vastes plaines sibériennes déjà couverts de neige – une image qui me rappela d’un coup les descriptions de l’immensité de la Sibérie dans Docteur Jivago de Boris Pasternak, mais aussi les paysages des steppes , d’une plaine infinie dans « le testament français » de Andrei Makine, surtout ces mots :

« Avec une sérénité amère qui l’étonna elle-même, Charlotte entendit naître et résonner dans son esprit cette pensée transparente : « Il y eu cet enfer des villes brûlées et quelques heures plus tard – ce cheval qui broute l’herbe de rosée, dans la fraîcheur de la nuit. Ce pays et trop grand pour qu’ils puissent le vaincre. Le silence de cette plaine infinie résistera à leurs bombes … ».

Jamais encore elle ne s’était sentie aussi proche de cette terre ».(Makine 1995, 127).

J’avais lu ce livre il y a presque 16 ans  et en voyant l’immensité du paysage russe, ces mots du roman de Makine me revenaient à l’esprit.  Mais ce panorama de la Sibérie vue a vol de l’oiseau se referma brusquement, car une vaste étendue de nuages m’obstrua la vue  et je me replongeai dans le livre que j’avais choisi comme lecture pour ces 12 heures de vol Nanjing – Frankfurt –  « le roi vient quand il veut » de Pierre Michon – livre que j’ai découvert grâce a la critique de Pierre Assouline dans la RDL. Et dans ce livre je tombe sur un paragraphe à la page 83 qui me transposait dans ma propre enfance :  les voyages de la Toussaint à Saulgau en Oberschwaben, les cimetières illuminés par les « bougies et lumignons rouges » du jour de la Commémoration des fidèles défunts (Allerseelen / In Commemoratione Omnium Fidelium Defunctorum), le jour des morts, qui en fait était déjà célèbré le jour de la toussaint.  « La lanterne des morts m’a beaucoup marqué, c’est une pratique disparue que je n’ai jamais directement connue, mais qui m’a beaucoup fait rêver, enfant. Lorsque quelqu’un était mort, jadis, me disait-on en me montrant la lanterne de Saint-Goussaud — mais il y en a d’autres ailleurs —, on allumait dedans un grand feu, et dans la nuit on la voyait de Benevent, de Grand¬Bourg, de Chätelus. Saint-Goussaud est sur une butte, les autres villages dans la vallée. C’était ma région maternelle, la région des cimetières, où l’on visitait les tombes. C’était comme si la mort de ces gens dont je venais de voir les tombes illuminait le pays. Et bien sûr il y a quelque chose de funèbre dans tout cela, de funèbre mais de… J’ai beaucoup de mal ä le formuler. C’est un don, partagé visuellement avec les communes environnantes. Une petite flamme qui fait penser ä une petite âme. (Michon, P., 2010 p.83)» La petit flamme qui fait penser à une petite âme, quand j’étais gamin  on m’avait raconté  que le Seigneur regardait depuis le Bussen, montagne sacrée de Oberschwaben – et voyant ces paysages de novembre éclairés par les lanternes rouges des paysages de cimetières d’Oberschwaben, commençait à récolter les âmes perdues des défunts pour les places dans son royaume eternel.

Cette coutume est encore pratiquée dans une grande partie de l’Allemagne catholique de nos jours.  Ce ne sont plus ces paysages de cimetières illuminés par les lanternes rouges mais on en trouve encore de ces lanternes ici et là dans les cimetières de l’Allemagne du Sud. Et chaque fois que vois de telles lanternes, cela me penser a cette histoire du Bussen.

En listant ce mots de Michon, – je pensai aussi au temps où je vivais à Aubord dans le Gard chez ma grand – mère  et que j’allais acheter les chrysanthèmes pour la Toussaint  et nous nous occupions ensemble, ma grand-mère et moi, de la tombe familiale au vieux cimetière d’Aubord.  Depuis cet été ma grand mère a rejoint les habitants de la tombe familiale et donc maintenaient il n’y aura plus personne pour s’occuper du caveau familial, ni Chrysanthèmes  ni lanterne de mort  allumée par un membre la famille, un proche.  Naturellement il aura des Chrysanthèmes, cela peut s’organiser, mais il y a la présence personnelle qui manque. En survolant la Sibérie, en lisant les mots de Pierre Michon qui me rappellent les paysages des cimetières de novembre de Oberschwaben et de Forêt Noire illuminés, je pensai que l’éclatement des familles nous éloigne parfois douloureusement de nos morts.

En arrivant en Allemagne, le soir du 31. Octobre  2011 je redécouvre aussi que ces paysages  de novembre illuminés par les lumières rouges des lanternes des morts si caractéristiques des parties catholiques du Sud de l’Allemagne  sont en train d’être  de plus en plus remplacés par les citrouilles de Halloween.  Personnellement je préfère l’histoire de la petite flamme qui fait penser à la petite âme  aux citrouilles d’Halloween!

Livres cités :

Makine, Andrei (1995) : Le testament français. Paris, Mercure de France. ISBN 2-7152-1936-9

Michon, Pierre (2010) : Le roi vient quand il veut. Propos sur la littérature. Textes  réunis par Agnès Castigione avec la participation de Pierre Marc de Biasi.  Paris, Le livre de Poche/Albin Michel, ISBN 978-2-253-13434-3

Christophe Neff,  le  2.11.2011