Le couple franco-allemand fête le cinquantième anniversaire du Traité de l’Elysée en grande pompe à Berlin. Les medias français et allemands nous présentent « éditons spéciales » sur cet anniversaire si spécial. Partout des « Symboles-Franco-Allemands » – récemment même un petit livret écrit par Andreas Rittau (2012 : Symboles Franco-allemands 1963-2013 – Construction d’un champ transnational) fut consacré au sujet. Durant une de ces Sondersendungen de la Télévision allemande, – nous fut présentée l’histoire des époux Klinger, Francette et Gérard Klinger (1,2) qui se marièrent en 1966 et formèrent depuis un couple franco-allemand. Quand Francette raconta la grande solitude des débuts du couple, cette histoire me rappela des souvenirs personnels. Mes parents formaient aussi un tel couple franco-allemand, mais ils n’eurent pas la chance de vivre une retraite paisible, de connaitre leurs petits-enfants franco-allemands, car mon père décéda des suites d’un cancer en janvier 1992. Mais la grande solitude, comme beaucoup de couples franco-allemands qui ont eu le courage d’affronter les dures réalités d’un ménage franco-allemand, au début des années 1960 ils l’ont aussi connue. Mes parents se sont mariés en 1962 à Dijon. Les parents de mon père, mes futurs grand parents allemands, n’avait pas participé à la cérémonie de mariage à Dijon. Ils n’apprécèrent pas trop, que leurs fils se marient avec une fille française. En fait, le rapprochement ne se fit qu’à ma naissance à Tübingen en Juin 1964, à peu près 1 ½ ans après la signature du traité de l’Elysée. Dans le vieil album de photos familial qui se trouve encore chez ma mère, mon père avait écrit quelques mois avant sa mort sous les photos de mon baptême – « und dann kamen Sie doch (et ils arrivèrent tout de même) » ces photos sur lesquelles on me voit entouré de mes grands-parents, les oncles et tantes allemandes. Ce fut ma naissance qui rapprocha enfin vraiment les deux familles. Avant ma naissance mes parents, partiellement « boycottés» par la famille allemande, surtout ma mère, qui débarquait en Allemagne, sans comprendre ou parler un mot d’allemand avait dû faire face à des temps durs. Après cette naissance, – les choses s’arrangèrent lentement. Les grands-parents allemands, Anton et Blanka Neff étaient aussi fiers de leur petit fils franco-allemand que les grands-parents français Jean et Germaine Migliori. Christophe Neff, – un petit franco-allemand, – avec une double nationalité franco-allemande – ce fut enfin le moment où la famille de mon père accepta le mariage de mon père avec une française. Un des premiers souvenirs de ma petite enfance, – c’est mon grand-père Anton Neff qui m’a amené voir les trains à la gare de Saulgau. Comme mon père m’amenait à la gare de Tübingen regarder les trains. Comme mon grand-père français Jean Migliori m’amenait au port du Rhin à Strasbourg voir les péniches et chalands du Rhin, – le Lookheed Constellation à Strasbourg-Neuhof (un ancien Constellation d’Air France transformé en bar (F-BHMJ / L1049G-82-98)), les visites de la gare de Strasbourg quand on allait chercher les tantes, ou les visites de aérodrome de Entzheim pour chercher la famille, qui arrivait d’ Angleterre ou des Etats-Unis. C’est ainsi que mes grand-pères, français et allemands en me faisant visiter gares, ports & aéroports m’avaient fait découvrir le monde de transports, – plus particulièrement le monde du Chemin de Fer, – le Monde du Chemins de Fer, qui fut dans un certain sens, aussi un de mes premiers amours.
De nos jours, – les couples franco-allemands n’ont plus affronté les dures réalités des années 1950, 1960, de fonder une famille franco-allemands quelques années après les douleurs de la guerre – c’était insensé. Aujourd’hui, 50 ans après la signature du traité de l’Elysée – fonder un couple franco-allemand n’a plus à faire face aux vieux démons de la guerre, des souvenirs de morts, de la déportation …… Un couple franco-allemand de nos jours n’a plus rien de spécial, – il doit faire face aux risques de la vie normale de nos jours, – divorce, chômage, maladie … – mais grâce aux traités de l’Elysée les vieux démons de la guerre, des guerres (1870, 1914-18,1939-45) des souvenirs de guerre ont disparu. D’avoir fait disparaitre ces vieux démons …. « Le bruit des bottes des SS qui résonne sur la cours de l’école de Hussigny » c’est aussi un des grands mérites du traité de l’Elysée. Parfois de nos jours, en critiquant l’état des relations franco-allemands, on oublie trop vite cette réalité …. Mes grands-parents n’ont jamais oublié Libéro Casciola mort en déportation à Bergen-Belsen, – mais ils ont quand même accepté que leur fille se marie avec un allemand. Ce fut en 1962, – le traité de l’Elysée n’était pas encore signé …. 41 ans plus tard, leur fille, en 2003 reçut le Bundesverdienstkreuz, une des plus hautes décorations allemandes, pour son travail politique au sein de la SPD, le travail pour les enfants en danger (Kinderschutzbund) – et la réconciliation franco-allemande.
Dommage, que mon père n’ait pas eu la chance de participer à cette cérémonie, lui qui avait risqué il y a maintenant 51 ans la rupture avec sa famille pour le simple fait d’épouser une jeune française.
Ouvrages et sources cités :
Rittau, Andreas(2012): Symboles franco-allemands. 1963-2013. Construction d’un champ transnational. Paris, L’Harmattan, Allemagne d’hier et d’aujourd’hui. ISBN 9788-2-296-99598-7
Christophe Neff, le 22.01.2013
P.S.: Les souvenirs très personnels franco-allemands de ma mère se trouvent dans le petit billet «Cinquante ans … déjà! » du blog Au jour le jour.