Blognotice 17.03.2017: Il y avait une fois un train direct Worms – Paris via la Zellertalbahn

Depuis ma chambre d’hôpital au Klinikum Worms, je voyais passer les autorails de la ligne Worms – Bingen sur la voie ferrée longeant la vallée de la Pfrimm entre Worms et Monsheim. Autrefois, si on en  croit la Wikipédia, il y avait un train direct qui reliait Worms avec Paris via la Zellertalbahn, enfin c’est ce qui est écrit dans l’article de la wikipedia.de sur la Zellertalbahn. Il y avait aussi autrefois un tramway à Worms, –  Ralph Häussler a écrit un beau petit livre sur les tramways de Worms (Häussler 2012). A` Worms on l’appelait  l’appellaient „Die Elektrisch“. Si on avait l’audace de faire revivre les tramways de Worms (comme par exemple comme cela a été  fait à Strasbourg) on pourrait brancher la clinique de Worms (Klinikum Worms) à un tel réseau de tramway réussi. La Pfrimm, d’après la wikipedia.de (et fr.) fut utilisée comme voie navigable entre Worms et Albisheim pour le transport de blé. Si on remonte la Pfrimm, on arrive à Marnheim, petite bourgade où l’ecrivain  Rafik Schami s’est retiré pour écrire. Quand j’étais jeune papa je lisais les histoires de Rafik Schami à mes enfants. Je me rappelle encore bien l’histoire du cocher Salim, le conteur d’histoires[1]. Mais je me rappelle aussi sa préface lucide au livre « Schrei nach Freiheit » de Samar Yazbeck. Ce texte fut écrit en 2012, depuis les choses n’ont guère changé, la tragédie syrienne semble éternellement se poursuivre. Depuis ma chambre d’hôpital en voyant les trains défiler devant mon regard je pensais aussi à MàC, qui aimait tant les trains, qui est décédé beaucoup trop tôt, pourlequel Pierre Assouline a écrit une nécrologie émouvante « Pour saluer Montaigne à cheval ». Pendant de longues années il était (comme moi-même) un afficionado de la Vie du Rail. Dans cette chambre d’hôpital du Klinikum Worms, je me retrouvais à peu près dans la même situation qu’au début de mon aventure de bloggeur sur le Monde.fr en 2009. Je me retrouve dans une chambre d’hôpital après un accident, en 2009 j’avais subi une fracture de la colonne vertébrale, en maintenant en 2017 c’est un  accident vasculaire cérébral qui me cloisonne dans une chambre d’hôpital du Klinikum Worms, et tout cela me fait ressurgir la question des langues – comme dans mon premier billet dans paysages – écrire ce blog dans ma langue maternelle qui est le français ou en allemand que je considère comme ma première langue, que j’ai en fait réellement appris en entrant au Kindergarten St. Maria sur le Sulgener Berg à Schramberg-Sulgen en 1967/68. Je me fis rapporter par mon épouse le livre « la Méditerranée – Mer de nos langues » – de Louis-Jean Calvet comme lecture de convalescence, lecture de convalescence et comme premier test pour savoir si l’accident avait eu des conséquences pour la maîtrise de ma langue maternelle, – au moins au niveau des capacités de lecture. Pour l’allemand ce fut la lecture de « Meine wundervolle Buchhandlung » de Petra Hartlieb. Le  livre sur l’histoire géographique des langues bordant la méditerrané mériterait un billet entièrement consacré à ce merveilleux livre de Louis-Jean Calvet je renvoie à l’interview donné par l’auteur au journal Libération à la parution du livre –   «Le bouillonnement des langues a façonné la Méditerranée» et la recension du livre sur le site Chrétiens de la Méditerranée. Le livre de Petra Hartung nous décrit l’aventure d’une reprise d’une libraire de quartier à Vienne en Autriche décrite par la libraire elle-même (Hartliebs Bücher). Dans les derniers chapitres nous apprenons aussi que les Hartlieb ont repris une deuxième librairie à Vienne – et ils se sont spécialisés dans la commercialisation de livres français & italiens. C’est la libraire Hartliebs Bücher dans la Porzellangasse 36. Tenter une telle aventure pendant que « l’Amazonie » ne cesse de s’étendre est vraiment courageux. Je me suis dit que si un jour je serai remis à 100% de mon accident, je partirai faire un voyage à Vienne pour visiter ces deux librairies, – acheter un livre allemand dans la Währingerstrasse et un livre français dans la Porzellangasse. Et naturellement aussi visiter Vienne, que je ne connais pas ….  Ville dans laquelle mon père avait passé une partie de ses études , Vienne qui fut aussi pendant longtemps le terminus d’un fameux Rapide – le Mozart (Rapides 264/265) qui reliait Paris à Vienne en une journée (14 heures de voyage). On partait de Vienne vers 8 heures du matin et arrivait à Paris vers 23.00 heures. Dans ma jeunesse j’avais parfois pris ce train à partir de Strasbourg pour aller à Paris. Avant l’arrivée des TGV le Mozart était le train du soir pour Paris pour les « Strasbourgeois ».

Dans le livre de Louis-Jean Calvet j’avais trouvé quelques renvois à l’œuvre de Vassilis Alexakis – surtout à Paris-Athènes et La Clarinette. En sortant de la clinique de Worms, je me donc suis après l’avoir commandé par Amazon mis à lire le récit Paris-Athènes. Oui par Amazon, –  j’acheté tous mes livres en allemand (et une grande partie de mes livres en anglais) en librairie, la plupart à la librairie de Grünstadt, la libraire Frank. Se procurer des livres français par les canaux habituels des librairies est très difficile – la librairie Frank m’a conseillé d’utiliser Amazon. En plus je suis client régulier dans des librairies du Nord de l’Alsace, –  la librairie Fetsch à Lauterbourg et la librairie « à livre ouvert » à Wissembourg. Des librairies françaises, en Allemagne, on peut les compter à compte-goutte. S’il y avait une librairie française dans les environs de Grünstadt comme la librairie « Hartliebs Bücher » à Vienne ou « Zadig » à Berlin, qui en plus enverrait les livres à domicile, je serais sûrement client (comme beaucoup d’autres francophones dans la Metropolregion Rhein-Neckar). Dans une grande partie de l’Allemagne le lecteur francophone désireux d’acheter des livres édités en français n’a que le choix de se référer à Amazon. Dans Paris – Athènes je me suis donc vu replongé dans la question des langues. Langue maternelle, première langue etc.  –  langue de travail (qui est devenue l’anglais pour une grande partie de mon travail quotidien au KIT). Dans quelle langue on pense, dans quelle langue on rêve, dans quelle langue on écrit, on travaille, on désire …. On écoute le silence. Seule certitude, le français est bien ma langue maternelle, – mais j’ai toujours besoin d’un correcteur pour mes textes écrits, – pour mes textes allemands, ma première langue, la situation est un peu plus favorable, – mais l’orthographie allemande me semble être un peu moins compliquée que l’orthographie française.

A propos des langues, la jeune femme médecin – je n’aime pas trop le mot « doctoresse » – qui s’est occupée de moi à la clinique avait un léger accent. Je me suis permis de lui demander d’où venait son léger accent oriental – en lui expliquant qu’en fait  je suis phytogéographe, mais que  je m’intéressais aussi à la géographie et à l’ histoire des langues en lui montrant le livre « la Méditerranée – Mer de nos langues ». Le léger accent oriental que je croyais avoir détecté dans son allemand, qui était à part cela quasiment parfait, était donc une bonne indication. En fait la jeune femme médecin  venait de Grèce, – elle avait fait ses études de Médecine en Grèce et en Roumanie. Comme elle n’avait pas appris l’allemand à l’école, ses langues étrangères étant l’anglais et le français, elle dut apprendre l’allemand avant de débarquer en Allemagne. Cela ressemble un peu, -mais seulement un peu- à l’histoire que nous raconte Vassilis Alexakis dans Paris – Athènes. Il y a naturellement une autre histoire qui se cache derrière cette histoire de langues, – sans tous ces jeunes médecins venus de l’étranger, faisant leur « Assitentenzeit (Internat dans le system français ?) » dans un hôpital allemand, – sans eux – le système hospitalier allemand aurait de grands problèmes. Tous ces jeunes médecins étrangers sont devenus un des piliers du système hospitalier allemand. Sans le courage et le professionnalisme de cette jeune dame médecin, je n’aurais pas eu la chance d’écrire ces lignes en français.

De retour de l’hôpital j’ai testé mes aptitudes orales en français avec mon épouse (qui est prof.  de français) et avec ma fille, qui malheureusement n’a pas hérité du bilinguisme, mais qui est en train d’apprendre le français à l’école – et qui aime, par moment surtout parler français !

Et pour voir simplement voir si l’italien[2] n’avait pas disparu je me suis mis à feuilleter le livre « Antonio Tabucchi narratore » – eh bien l’italien n’a pas entièrement disparu – et en plus dans ce petit livre on retrouve la fascination pour Tabucchi pour les paysages, les voyages et les trains. Peut-être serai- je entièrement remis de mon accident  pour monter à temps dans un des TGV de Mannheim pour Paris pour pouvoir aller voir l’exposition « Au-delà des étoiles. Le paysage mystique de Monet à Kandinsky » au Musée d’Orsay. Je finis ce billet, il fait beau dehors, le printemps a commencé dans l’Unterhaardt, les premières fleurs commencent à fleurir, avant-hier j’ai vu (et entendu) les grues cendrées traverser le ciel de la Unterhaardt en direction du lointain Nord-Est. Le printemps vient d’arriver, la nature s’éveille et la vie continue.

Livres cités :

Alexakis, Vassilis (2013) : Paris – Athènes. Paris, (Collection folio (Gallimard)), ISBN 978-2-07-034435-2

Amado, Jorge ( 2013  ) : O Gato Malhado e a Andorinha Sinha – uma historia de amor. Ilustacoesa cores de Carybé. 22. A edicao, Alfragide (Publicacoes Don Quixote), ISBN 978-972-20-2024-4

Calvet, Louis – Jean (2016) : La Méditerranée –  Mer des nos langues. Paris (CNRS Éditions), ISBN 978-2-271-08902-1

Contarini, Silvia ; Grossi, Paolo (Eds.)(2007): Antonio Tabucchi narratore. Atti della giornata di studi (17 novembre 2006), Paris, Quadernie dell’Hotel de Galliffet XI, Istituto Italiano di Cultura  Parigi. ISBN 978-2-9503030-3-5

Hartlieb, Petra (2016): Meine wundervolle Buchhandlung. Köln (Dumont Buchverlag), ISBN 978-3-8321-6343-3

Häussler, Ralph (2012): Die Wormser Straßenbahn. Erfurt (Sutton Verlag), ISBN 978-3-95400-119-4

Schami, Rafik (1995): Erzähler der Nacht, Weinheim (Gulliver Taschenbuch), ISBN 3-407-78738-3

Yazbeck, S. (2013): Schrei nach Freiheit. Bericht aus dem Inneren der syrischen Revolution. Mit einem Vorwort und einem Interview mit Rafik Schami zur aktuellen Lage. Aus dem Arabischen von Larissa Bender. Erweiterte Taschenbuchausgabe, München (dtv), ISBN 978-3-423-34779-2

Christophe Neff, Worms/Grünstadt  Février/Mars 2017

[1] Dans „Erzähler der Nacht“ (Schami 1995).

[2] Je fais un test équivalent pour le Portugais en feuilletant quelques pages de „O Gata Malhado e a Andorinha Sinhá – uma historia de amor » de Jorge Amado, avec la aussi un résultat positif!

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