Eh bien la Tunisie avance lentement, parfois difficilement, mais le processus démocratique après tout, avance à petits pas[1]. Contrairement à la situation en Egypte, ou nous avons assisté à un véritable putsch militaire, qui fut certes légitimé par un referendum populaire (taux de participation environs 36%), on avance en Tunisie sur le chemin de la transition démocratique. Je ne peux que suivre Isabelle Mandraud quand elle écrit « Il est trop tôt pour parler de réussite, car ce départ se fait quand même dans un contexte très tendu. Mais indéniablement, la Tunisie se distingue des autres pays arabes, qui ont plongé dans la répression, le désordre ou la guerre. En Tunisie, malgré tout, on continue à se parler ! » Il est vraiment trop tôt pourparler d’une réussite en Tunisie, mais comme je l’écrivais dans les lumières du Fohrenbühl il y a maintenant presque trois ans – « mais je pense que, si il y a actuellement une société du monde arabe qui pourrait réussir à construire une véritable démocratie laïque et une société libre c’est bel et bien la société tunisienne – le peuple tunisien ». Je n’ai guère changé d’avis depuis – et concernant les autres pays du Maghreb et du Machrek je pense que mes doutes émis dans les lumières du Fohrenbühl ont été malheureusement rattrapés par la réalité. J’aurais tellement aimé avoir tort. Mais concernant la Tunisie je crois, que les Tunisiens peuvent réussir leur transition démocratique, – même s’ il y a encore de très grands grands problèmes à résoudre, – je pense surtout au destin des régions rurales tunisiennes (voir aussi mes Commentaires sur les évènements de la journée du 14.09.2012 à Tunis) – véritables poudrières qui pourraient exploser si on ne réussit pas enfin à développer une vraie perspective pour ces régions perdues. Même si en ce moment la situation socioéconomique semble encore assez morose, – disparité côte/pays intérieur – ingérence permanente de certains pays du Golf – illusions et désillusions des Tunisiens – mais néanmoins la Tunisie possède encore beaucoup d’atouts[2]. Le chemin sera long et difficile, – mais à la fin, cette transition pourrait encore devenir une réussite. Disons que je reste légèrement optimiste pour la Tunisie, pour le reste du printemps arabe je n’ai guère d’espoir – Lybie, Egypte, Syrie, Yémen, Bahreïn etc. . Pour finir, – je suis assez étonné de voir que pour les medias allemands (cela concerne sûrement aussi les medias non francophones dans le reste de l’Europe et en Amérique du Nord) ne portent aucun intérêt pour la situation actuelle en Tunisie ! On trouve plutôt un article sur les problèmes du couple Hollande–Trierweiler dans la presse allemande et les medias allemands[3] qu’un article ou une vraie analyse fondée sur la Tunisie qui est en train de donner naissance à une vraie constitution moderne, portée par une grande partie de la société civile (sans l’aide bienveillante d’une junte militaire) ce qui est une véritable nouveauté dans le monde arabe. Le désintérêt qu’une grande partie des sociétés occidentales ont pour les évènements actuels en Tunisie est vraiment regrettable, car ce qui se passe en Tunisie peut être décisif pour nos sociétés!
Christophe Neff, le 18.01.2014
P.S. (18.01.2014 16 :40): C’est finalement dans la Süddeutsche Zeitung que j’ai trouvé cet article «Tunesien sucht seine Identität (La Tunisie cherche son identité) » assez bien documenté sur la situation actuelle en Tunisie.
[1] Voir aussi ce document « L’Arabie saoudite a-t-elle pris la main sur les « printemps arabes » ? »
[2] Voir aussi l’analyse de Kamel Jendoubi publie dans le Monde Dimanche19- Lundi 20 janvier 2014 p. 15, sous le Titre «Espoirs fragiles en Tunisie – L’adoption d’une nouvelle Constitution n’est pas un gage de démocratie. Trois ans après la chute de Ben Ali, prélude du «printempsarabe», l’islamisme menace la transition. » Disponible en version électronique pour les abonnés Le Monde.
[3] Même le SWR2, – la radio culturelle du Südwestfunk, avait programmé une émission spéciale sur les problèmes du couple Hollande-Trierweiler. Dans SWR2 Kontext elle fut transmise le 17.01.2014 de 19:05 – 19:20 sous le titre «Die Affäre Hollande – Warum wird das Private politisch?». Mais à vrai dire ce fut plutôt une émission où on comparait la „peopleisation“ de la politique en France et en Allemagne, – et à en croire l’émission, la politique allemande est beaucoup plus affectée par ce phénomène! Personnellement j’aurais préféré suivre une émission sur une vue allemande approfondi de la nouvelle constitution tunisienne !
bonjour
Christophe, je ne suis vraiment d’accord avec vous quand vous écrivez „Le désintérêt qu’une grande partie des sociétés occidentales ont pour les évènements actuels en Tunisie est vraiment regrettable“
Je ne pense pas que nos sociétés occidentales soient indifférentes; mais il faut que les tunisiens prennent eux-mêmes, et seuls, leur avenir en main, sans que nous nous sentions obligés d’intervenir dans leurs débtas ou de donner notre avis que, d’ailleurs, ils ne demandent pas. L’Histoire, chez eux comme chez nous, est en perpétuel mouvement et chaque nation se doit de l’assumer selon ses propres codes, ses propres usages et ses propres volontés. C’est, me semble t-il, ce qui se passe en Tunisie actuellement.
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