Langsamer! (Plus lentement!)

„Langsamer – gegen Atemlosigkeit, Akzeleration und andere Zumutungen“ est un livre publié par Ilma Rakusa, – un petit essai qui nous démontre à quel point l’accélération permanente nous coupe le souffle dans notre quotidien. En fait c’est un des rares livres que j’ai lus, depuis ma dernière blognotice datant du 18 janvier 2014. Dernièrement, durant un voyage en train entre Hambourg et Mannheim, j’apprends par l’éditorial du Monde du 21. Mars 2014 « Et, pourtant, les Français lisent[1] » que les français lisent encore de livres – et ils lisent même une quinzaine de livre par an! Pour lire une quinzaine de livres par an, – il faut déjà une bonne portion de temps libre, – du temps sans accélération permanente. En plus en France, il y a encore cette obsession du livre et de la lecture – qui disparaît de plus dans le Bildungsbürgertum allemand. On pourrait même dire, que l’accélération permanente met en danger le concept du Bildungsbürgertum – et avec lui le concept de la lecture des livres. Pour la lecture il faut aussi un minimum de temps libre, du repos … de la tranquillité. L’obsession du livre et de la lecture en France, – je l’ai encore retrouvée il y a quelque jours en lisant les premières pages de Medium de Philippe Sollers, livre que j’ai découvert grâce à cette petite note sympathique de Paul Edel et que j’ai acheté début mars à la libraire « à livre ouvert » à Wissembourg – « Il n’y pas si longtemps, un président de la République française se fait photographier officiellement en train de lire les Essais devant une bibliothèque, photo exposée ensuite dans toutes les administrations et les commissariats de police. L’Histoire est plus comique qu’on ne croit, et son successeur socialiste, petit homme tenace et ironique, très « troisième République » ne lit jamais aucun livre (Sollers, P. 2014, 18)».
En France on se réjouit de la fameuse loi « anti-amazon » mais j’ai bien l’impression qu’en votant cette loi on s’est trompé de cible[2]. A fur à mesure que le Bildungsbürgertum, – les couches moyennes pour utiliser un terme français se rétrécissent – que l’accélération du quotidien, la densification de la cadence du travail, des loisirs s’intensifient – le temps libre pour la lecture, la solitude librement choisie pour se plonger dans les paysages de lectures devient un bien cher et rare – nos concepts de lecture et de livre sont top ou tard condamné à disparaitre. Pour arriver à la « Riviera » de Sollers (Médium), pour revivre la charge des Dragon a Montfabert (Waltenberg), – pour découvrir le Monde avec les yeux de V.S. Naipul (India, Letters), pour citer quelques exemples aléatoires – il faut surtout avoir la liberté de pouvoir choisir des moments de solitude pour naviguer librement dans le Monde des livres. Fermer les yeux et partir en voyage. Ceux qu’ils ont fait durant les dernières décennies, qu’on les dénomme Bildungsbürger ou couches moyennes – qui ont soutenu par leurs achats et lectures ce mode de lecture – perdent de plus en plus cette liberté. L’accélération du quotidien, toujours presse – à bout de souffle – leur regard fatigué ne touche guère une page de livre.
Depuis mon dernier billet dans paysages, – presque trois mois sont passées, – on quitte la maison en pleine nuit – et après une longue journée de travail on retourne chez soi – et la nuit retombe déjà. Les journées passent, – le printemps arrive – les évènements passent – élections municipales en France, – l’annexion de la Crimée par la Russie – et on court toujours …. Courir – ou passer de heures en voiture, derrière le volant – pendant la nuit écoutant Melody Gardot, le dernier CD de Ute Lemper (Forever – The Love Poems of Pablo Neruda), Maria Gadú ou parfois Eddy Mitchell. Et comme pour la lecture, – pour l’écriture d’un blog, – il faut aussi du temps, – solitude, silence – liberté de réflexion.
Concernant l’annexion de la Crimée par la Russie, – personnellement cela ne m’a pas trop surpris – dans la notice du « 22.12.2013: De Dostoïevski à Mikhaïl Khodorkovski » j’avais comparé la Russie de Monsieur Putin à la Russie de Nicolas Ier de Russie. Cela dit j’étais plutôt surpris par la surprise des « occidentaux » devant le « fait accompli » – le règne de Nicolas Ier de Russie il faut peut-être le rappeler, est jusqu’ à nos jours synonyme d’un politique expansionniste forte, il fit entre autres déclencher la Guerre de Crimée . Et c’est en écrivant trois novelles sur cette guerre, publiée sous le nom « Récits de Sébastopol » que Léon Tolstoï rapportera un de ses premier succès littéraires. Mais tout ce savoir littéraire, semble être tombé en oubli dans les cercles des dirigeants occidentaux (et de leurs consultants).
Pour finit ce petit billet, – tranquillité, repos, – réflexion ne concerne pas seulement le domaine du livre et de lecture, – mais cela concerne aussi une partie de notre citoyenneté. Sans liberté de réflexion approfondie, – le Bildungsbürgertum, les couches moyenne risquent de devenir une proie facile des « Cavaliere Cipolla[3] » de nos jours, – ces magiciens des solutions simples et miraculeux – comme par exemple en France Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon – ou en Italie Beppe Grillo – pour simplement citer quelques noms !
Notons en fin de billet, que le paysage médiatique français – nous offre un nouvel hebdomadaire Le 1[4] – lancé par Éric Fottorino et Laurent Greilsamer dont la lecture nécessite tranquillité de lecture, liberté et temps de réflexion …
Malheureusement ce nouveau hebdomadaire n’est pas distribué en Allemagne, – Samedi je fais les 100 km depuis Grünstadt pour me procurer le N.1 du l’un a la Librairie Papeterie Fetsch à Lauterbourg – et je découvre le titre prometteur – « la France fait – Elle encore rêver ?[5] ». Apparemment oui, – autrement je n’aurais pas fait presque 200km pour me procurer ce journal francophone – et découvrir a la une le point de vue de Jean-Marie Gustave Le Clézio – de me souvenir du visage d’Aline – résurrection de souvenirs par la plume de Duong Thu Huong (Tombe la neige) quand je chantais cette chanson il a plus de vingt voire trente ans dans les bars de Schramberg ; – dans les années 1970 & 1980 cette chanson de Christophe était pour une partie de la jeunesse bachelière & étudiante du Sud de l’Allemagne aussi une « image de rêve d’une certaine France » – et apparemment paroles et mélodie de cette chanson ont aussi laissés des traces dans un Vietnam traumatisé par des décennies de guerre.
Dans la présentation de ce nouvel hebdomadaire sur le net – écrite par Éric Fottorino – j’ai trouvé cette belle devise « Lire court pour penser longtemps. » …..
Livres citées :
Kaddour, Hédi (2007): Waltenberg, (Folio/Gallimard), Paris, ISBN 978-2-07-034347-8
Naipul, V.S. (1976): India – a wounded Civilization. New York, Vintage Books, ISBN 0- 1-400-3075-7
Naipul, V.S. (2007): Between Father and Son. Family Letters. New York, Vintage Books, ISBN 0-375-70726-3
Rakusa, Ilma (2012) : Langsamer ! Gegen Atemlosigkeit, Akzeleration und andere Zumutungen. Literaturverlag Droschl Essay 54, Wien, 6. Ergänzte Auflage 2012, ISBN 978-3-85420-692-7
Sollers, Philippe (2014): Médium. Éditions Gallimard, Paris, ISBN 978-2-07-013760-2
Tolstoï, Léon (2005): Les récits de Sébastopol. Traduit du russe par Louis Jousserandot. Petite Bibliotheque Payot, Paris, ISBN 978-2-228-89967-3
Photo: © C. Neff «Vue sur le clocher de l’eglise St. Martin à Grünstadt (04.4.2014)/Blick auf den Martinsturm Grünstadt (04.04.2014) ».
Christophe Neff, écrit le 15.04.2014, publié le 16.4.2014
[1] Et, pourtant, les Français lisent. ÉDITORIAL du Monde, Vendredi 21 mars 2014 – 70e année – N˚21515, download en version électronique pour les abonnées du Monde ici.
[2] Voire aussi « La loi anti Amazon ne règle rien »
[3] Le Cavaliere Cipolla est un personnage clef de le nouvelle « Mario et le Magicien » de Thomas Mann.