Une forêt noire étoilée – quelques réflexions de géographie gastronomique au début de l’an 2010 (6.1.2010)

Mercredi 6.1.2010 jour de l’épiphanie je viens de lire l’intéressant reportage de Francis Gouge« Baiersbronn, refuge de restaurants étoilés au cœur de la Forêt-Noire » sur Baiersbronn, haut-lieux gastronomique allemand. Baiersbronn peut  certainement être considéré comme le centre géographique de la gastronomie allemande – et l’envoyé spécial du Monde Francis Gouge nous décrit  merveilleusement les noms célèbres, la Schwarzwaldstube de la Traube à Tonbach, le restaurant Bareiss à l’Hôtel Bareiss et le Schloßberg à l‘ Hotel Sackmann – mais l’envoyé spécial du monde se trompe certainement en écrivant que Baiersbronn est le refuge de restaurant étoilés. Francis Gouge aurait peut dû regarder un plus attentivement les cartes du guide Michelin « Deutschland 201 1910- 2010 100 Jahre » et il aurait certainement remarque que le Forêt Noire est la région naturelle allemande avec la plus forte concentration d’étoiles Michelin (Michelin Editions de Voyage 2009) – il y en a une quinzaine . Et ne parlons pas de Bib Gourmand, – la moyenne Forêt Noire (mittlerer Schwarzwald) a même droit à un carre séparé dans la carte des Bib Gourmand ou  se trouve la petite somme d’une quarantaine de Bib Gourmand. La concentration des table étoilée à Baiersbronn n’est donc pas tombée du ciel, – mais ceci  est dû aussi entre autre à l’héritage d’une longue et riche tradition gastronomique qu’on trouve dans beaucoup de vallées de la Forêt noire. Durant mes temps d’assistant à l’Université de Mannheim avec l’aide de Michelin Deutschland, qui nous avait  donné  je crois 20 années d’anciens guides  gastronomiques  Michelin pour l’étude, nous nous sommes (moi et quelques étudiants en géostatistiques) mis ensemble pour essayer d‘ expliquer par des méthodes de géostatistiques  la forte concentration des maisons étoilées en Forêt Noire et en Bade. Ceci en essayant  de tester l’hypothèse d‘ une relation entre « terroirs catholiques avec traditions vigneronnes » et forte concentration en restaurants gastronomiques dans les diverses régions naturels allemandes.  C’était surtout la tradition vigneronne qui avait une forte valeur explicative – les anciennes confessions de territoires étaient par contre moins significatives – nous avions fait l’étude pour toute l’Allemagne – surtout à cause du Altwürrtemberg protestant – qui est d‘ une part une région vinicole ancienne et aussi une région gastronomique de premier lieu en Allemagne (8 maisons étoilées). Comme région vinicole nous ne considérions pas les régions où   on cultive actuellement la vigne, – mais les régions dans lesquelles il y avait une tradition du vin et de la vigne entre 18ème- 20ème siècle- donc des régions viticoles soit disant historiques. Dans beaucoup de ces régions pratiquant la vigne et le vin, les vignobles ont disparu depuis à cause des changements socio-économiques, du phylloxera, etc.  Donc durant le 19ème siècle le vignoble montait encore la Vallée de la Kinzig et de la Schiltach jusque à Schramberg, les vignobles du Neckar montaient jusqu‘ à Rottweil.  Ici et  là on trouve encore des vestiges de ce vignoble dans les jardins des fermes de la vallée de la Kinzig. Concernant les vignobles historiques du Württemberg, Christine Krämer (2006) aujourd’hui‘ hui copropriétaire de la Weinhandlung Bernd Kreis à Stuttgart a publié sa thèse de doctorat sur l’histoire des cépages du Wurtemberg du moyen âge au 19 siècle, – un livre à recommander à toute personne désirant en savoir un peu plus sur la riche histoire vinicole de cette partie de l’Allemagne du Sud.

Revenons à la géographie gastronomique de la Forêt Noire. A part les restaurants étoilés et les restaurant bib gourmands il y en Forêt Noire presque dans chaque village une auberge (Gaststube), un restaurant où on peut souvent à un prix très modique déguster de très bons repas gastronomiques. En plus, – il y le « Wirtschaften » « Vesperstuben » : une espèce d’Auberge très simple ,en voie de disparation ; à part une vesperplatte, un « Wurstsalat » – et la « Metzelsuppe » de l’automne ,on peut aussi goûter  aux Schnaps de tradition locale comme le Rossler issue de Topinambour ou le Zibärtle issue de la distillation de la Zibarte – une prune sauvage ou demi-sauvage (Prunus domestica subsp. Prisca) de la Forêt Noire.  Les Wirtschaften ou les Bauernwirtschaften de la Forêt Noire sont une espèce en voie de disparition  ce ne sont certes pas des hauts lieux de la gastronomie ,mais avec un peu de chance on peut encore y retrouver un peu l’authenticité de la vie rurale de la Forêt Noire en goutant un Speckvesper avec un bon Schnaps.

Revenons à  la bonne gastronomie rurale, qu’ont peut retrouver presque dans chaque village de la forêt noire (et des paysage limitrophes). Ces maisons n’ont pas l’aspiration de se voir attribuer un bib gourmand (et ne parlons pas de macarons Michelin) la plupart d’elle ne se retrouve même pas dans le guide Michelin, sauf exception comme le Landhaus Lauble (Hornberg) au Fohrenbühl. Comme il m’est impossible de faire une sélection des nombreux « Schwarzwälder Landgasthäuser » dans l’entière forêt noire, – je m’arrêterai  simplement pour une petite visite au Fohrenbühl.

Le Fohrenbühl est un Col en Forêt Noire entre Schramberg et Hornberg où on trouve 4 Landgasthäuser, : le Landhaus Lauble, le Landgasthaus Schwanen, le Höhengasthof Adler, le Gedächtnishaus Fohrenbühl – et pas loin du Fohrenbühl on trouve à la Sommerecke encore le Naturfreundehaus du même nom qui a encore un véritable caractère d’une simple « Wirtschaft ».  Le Fohrenbühl est connu  dans une grande partie de la Forêt Noire pour ses lumières (pour les lumières du Fohrenbühl voire aussi le billet Mannemer Dreck (en all.)), surtout ses lumières hivernales – car quand les vallées de la Kinzig sont inondées pas les brouillards hivernaux, le soleil d’hiver baigne  les paysage de neige du Fohrenbühl dans une lumière argentée. Dans les 4 Landgasthäuser du Fohrenbühl  le Landhaus Lauble, le Schwanen, le Adler, le Gedächntishaus Fohrenbühl on peut  trouver des très bons menu gastronomiques – en plus les chefs des 4 lieux proposent tous les vendredis un menu gastronomique commun (voir Schlemmen & Spazieren).

D’un point de vue touristique c’est  certainement le Turm comme on dit dans la Raumschaft Schramberg pour le Gedächtnishaus Fohrenbühl qui vaut déjà le voyage. Le Gedächtnishaus Turm fut  construit en 1923 sur la base de   la vieille Turmhütte du Mooswaldkopf en hommage aux  morts du Schwarzwaldverein du Württemberg („Gedächtnishaus der Gefallenen des Weltkrieges 1914-18 vom Württembergischen Schwarzwaldverein“) (Architecte = Paul Bonatz). En montant la Tour en pierre du Gedächnishaus (par bon temps) on a une vue splendide sur les Vosges, les Alpes et le Jura souabe (Schwäbische Alb). Trônant magnifiquement sur la mer des forêts – le Gedächntnishaus est surtout un lieu calme – les chambres du Gedächntnishaus on été récemment rénovées – pour tout être en quête de solitude et de repos – quelques journées passées au Turm dans la mer des Sapins – peuvent être un véritable délice. La nuit, – il n’y a que les bruit des cimes des sapins remue par les vents qui résonne.

Personnellement, quant je suis en moyenne foret noire pour des raisons professionnelles – je préfère  passer mes nuits au Adler . Il y un point d’accès pour réseaux sans fil au Adler (WLAN), l’en ai  simplement besoin pour travailler – et en plus l’accueil par la famille Moosmann est très chaleureux. Notons, ce qui est certainement important pour le lecteur francophone que Michaela Moosmann et son époux Harti parlent un peu français, de plus si je me souviens bien les  Moosmann proposent même une carte écrite en français.

Je finis ainsi ce billet, – Baiersbronn est certainement le centre gastronomique de l’Allemagne avec ces 7 étoiles et deux bib gourmands – mais cette « pléiade de restaurants étoilés » est aussi le résultat d‘ une forte tradition gastronomique des Landgasthöfe en Forêt Noire – il ne faudrait pas l‘ oublier – car c’est en greffant sur cette souche que les nombreuses maisons étoiléeq de la Forêt Noire, à Baiersbronn, Bad Griesbach-Peterstal, Gernsbach, Saasbachwalden, Durbach etc. ont pu se développer !

Photos :

Paysages du Fohrenbühl Janvier 2009  ; Waldhäuser am Moosenwald, lumières du Fohrenbühl, Gedächtnishaus Fohrenbühl dit Turm (© C.Neff 9.1.2009 Olympus OM 4 Sensia 100), Lebkuchenhaus Gasthof Adler, Fabrication Maison Karl – Josef Moosmann (© C.Neff 13.1.2008 Canon EOS 500 Sensia 100)

Sources :

Krämer, Christine (2006) : Rebsorten in Württemberg. Herkünfte, Einführung, Verbreitung und die Qualität der Weine vom Spätmittelalter bis ins 19. Jahrhundert. Tübingen (Jan Thorbecke Verlag). ISBN 978-3-7995-5507-4

Michelin Editions des Voyages (2009) : Deutschland 2010. 1910-2010 100 Jahre. Karlsruhe. ISBN 978-2-06-714677-8

Christophe Neff, Grünstadt le 7.1.2010

P.S. : Malheureusement les résultats de cette étude géostatistique entre facteurs environnementales, facteurs socio-historiques et répartition géographiques des restaurants étoilés (ou muni d’un Bib Gourmand) en Allemagne n’ont jamais été publiés ! Il faudrait peut- être avec 15 ans de recul, recommencer l’analyse avec un outil géostatistique plus sophistiqué, pour voir quels facteurs pourraient de nos jours expliquer  la répartition géographique des étoiles Michelin en Allemagne.