
Ce fut en 1968 (si mes souvenirs sont corrects) que mes grands-parents ont acheté une villa à Port Leucate. C’était une villa dans la résidence de La Griffoulière. La Griffoulière était une des premières résidences de la nouvelle unité touristique Leucate – Barcarès (aussi dénommée unité touristique Port Leucate –Port Barcarès) construite dans le cadre de la mission Racine et dont l’architecte en chef fut Georges Candilis. La résidence de la Griffoulière fut commercialisée par la société Pippi frères, surtout dans le Grand Est (Metz, Nancy, Strasbourg) et c’est ainsi que mes grand parents débarquèrent comme beaucoup d’autres premiers « acheteurs » venus du Grand Est français à Port Leucate et découvrirent un pays de sable et de vent, un véritable paysage semi-désertique, un paysage africain (Conill 1933, Neff & Scheid 2005) en pleine France. Mon premier souvenir de Port Leucate, nous passions quelques jours de vacances en 1969 chez les grands-parents à Port Leucate sont les véritables tempêtes de sable qui interdisaient l’accès à la plage du Kyklos, ce qui assez souvent nous mettait en pleurs et obligeait mes parents et grands- parents à « fuir » à la Plage de Leucate – Plage pour les délices des plages et les bains de mer, mieux abrité de la Tramontane. Au Kyklos il y avait la plage, souvent rendue inaccessible par des rafales de Tramontane foudroyante, et au début de la station c’est au Kyklos que la messe dominicale avait lieu. Mais ce qui impressionnait le plus les premiers vacanciers de la nouvelle station de Port Leucate, c’était ce manque de verdure, pas un arbre, – un paysage quasiment semi-désertique – balayé par la Tramontane, et aucune cigale qui chantait. Cette atmosphère étrange, on peut un peu la retrouver dans l’exposition « Exposition centenaire Georges Candilis Architecture & Design[1]» qui a actuellement lieu à la marie annexe de Leucate, à Port Leucate dans l’espace culturel Henry de Monfreid. Au début de années 1970 mes grands-parents quittaient Eckbolsheim, pour des raisons professionnelles et déménageaient dans la région nîmoise, à Aubord entre Costière et Vistrenque, avec ses été torrides et depuis, la Griffoulière leur servait comme lieu de villégiature pour fuir les vagues de chaleurs estivales du Bas-Languedoc. Pour les enfants et les petits enfants et même arrière -petit enfants de mes grands-parents Port Leucate devenait la station balnéaire de référence.

A Port Leucate le thermomètre dépassait très très rarement les 30 C., le vent, que ce soit Tramontane ou Marin ne cessait guère de souffler – il y avait toujours du mouvement dans l’air. Mais les cigales, si présentes dans le Gard, ont toujours manqué à Port Leucate, – a tel point qu’ils avaient même essayé de les naturaliser à Port Leucate, mais sans réel succès. Port Leucate était resté un paysage sans chants de cigales pendant plus de quarante ans. Ceci vient de changer, -cet été durant les deux dernières semaines de juillet on pouvait enfin entendre le chant des cigales à Port Leucate. Ce n’était pas encore le concert symphonique comme en Provence, dans les garrigues de Nîmes ou même sur le plateau de Leucate, – mais c’était déjà un beau début, – mes grands-parents auraient sûrement aimé entendre le chant des cigales sous leurs deux palmiers à la Griffoulière. 45 années après les débuts de la station de Port Leucate, le chant des cigales peut être aussi considéré comme une réussite des idées de Candilis. Le paysage du Lido entre Leucate et le Barcarès s’est au niveau esthétique complétement métamorphosé, – avant la mission Racine et au début de la station de Port Leucate le paysage ressemblait plus au sud Tunisien, véritable Jeffara française – c’est ainsi que j’ai connu la station dans ses tout premiers débuts durant mon enfance. Aujourd’hui Port Leucate est entouré de belles Pinèdes peuplées de Pins parasols (Pinus pinea), de Pin d’Alep (Pinus halepensis), de Pin maritimes (Pinus pinaster) et de Cyprès (Cupressus sempervirens horizontalis). En plus, les espaces verts de Port Leucate aussi bien au niveau esthétique qu’au niveau écologique sont d’une qualité considérable. Jadis plutôt un paysage semi-désertique, sorte de Jeffara française, – Port Leucate est devenu un véritable îlot de verdure entre mer et étang. Naturellement l’aspect sauvage, ce semi-désert à la française, – la « wilderness » a presque disparu pour laisser place à un paysage de verdure semi-urbain où les cigales semblent enfin se naturaliser et se sentir à l’aise. Du point de vue de touriste du Nord de l’Europe, Port Leucate et le pays Leucatois ressemble de plus en plus à cette vision de paysage méditerranéen héritée de voyages de « Grand tour », pinèdes et cigales, mer et architecture formant une unité esthétique harmonieuse.
Photos : Toutes © C. Neff (2013)
Sources :
Conill, L. (1933) : Végétation de la Salanque et des Corbières orientales Roussillonnaises. Commentaires botaniques de la Carte des productions végétales, Feuille XXV – 48, Perpignan N.W. Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées Orientales. Perpignan, p. 189 – 261.
Neff, C. & Scheid, A. (2005): Der mediterrane Süden Frankreichs. Vegetationsdynamik und Kulturlandschaft im Languedoc- Roussillon. In: Geographische Rundschau, 57, Heft 9, 38-44.
Christophe Neff, le 07.08.2013
P.S. : D’après les chants, les cigales présentes à Port Leucate durant le mois de juillet 2013 appartenaient aux espèces Lyristes plebejus (Cigale plébéienne) et Cicada orni (Cigale grise). Pour le chant voir aussi la page SONGS OF EUROPEAN SINGING CICADAS, – dont le chant de Lyristes plebejus et de Cicada orni.
[1] Du 06.07.2013 au 31.08.2013; Commissaire d’exposition Clément Cividino, plus d’info voire ici.
Bonjour,
Bravo!
En tant que „pionnier“ de Port-Leucate (achat sur plans en 1968 et livraison en 1969), lotissement Cap de Front,je me reconnais totalement dans votre récit des premières années de la station.
En ce qui concerne le chant des cigales, j’en ai longtemps bénéficié dans mon patio jusqu’à la tempête qui a déraciné le peuplier dans lequel elles nichaient.
Aujourd’hui, ce sont des écureuils, de moins en moins sauvages, qui peuplent notre lotissement.
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