La Forêt progresse à Schramberg – et les risques d‘ incendies aussi

En Forêt Noire la forêt progresse – et en conséquence les risques d’incendies aussi. Le vendredi 2.7.2010 j’étais avec deux de mes collègues (Janet Maringer & Julia Baum ) invité par la commandante des sapeurs pompiers de Schramberg Annette Melvin (Abteilungskommandantin Talstadt Schramberg) à faire une premiers analyse de risques. En plus je préparais aussi une sortie de géobotanique en Forêt Noire pour les étudiants en bachelor de géo-écologie du KIT. Et naturellement analyser les changements de paysages, la dynamique des paysages de la ville ou j’ai grandit.

Notons d‘ abord qu’Annette Melvin est une des rares femmes chefs de corps de pompiers en Allemagne. Sachant que depuis des années déjà j’avertissais les pouvoirs publics des risques grandissant de feu de forêts en Forêt noire ,Annette Melvin m’avait contacté) pour faire une sortie de terrain commune pour faire une premier évaluation des risques d‘ incendies dans le forêts entourant la ville de Schramberg ;comme nous avons grandi à Schramberg, nous fréquentions le même lycée, nous nous connaissons depuis longtemps. De plus ; Annette Melvin est aussi la petit fille de Moritz Mayer le fondateur de la SMF, dont je parlais, dans La Schramberger Majolika Fabrik – la Céramique de Schramberg sur wikipedia.fr. Elle nous présenta quelques terrains potentiels pour des chantiers de brûlage dirigé.qui aurait comme but d‘ une part de seconder la ville de Schramberg dans son effort de limiter l’embroussaillage et la reprise sauvage de la forêt, d‘ autre part d’utiliser un tel chantier de brûlage dirigé pour entrainer les pompiers de Schramberg à la lutte anti-incendie de forêt – donc un exercice de combat anti-incendie sous conditions quasi réelles.

En faite Annette Melvin craint de plus en plus les risques grandissant de feux de forêts qui pourraient être une conséquence de la progression galopante de la forêt en Foret Noire, risque de voir des feux éclater qui pourrait aussi en plus être accentué dans le futur proche par les conséquences des changements climatiques. Mais même sans changements climatique les risques de voir des feux de forêts éclater avec la progression de la forêt est considérable, car la forêt noire est une ancienne terre de feux de forêts, même si la mémoire collective a depuis longtemps oublié ce fait historique. Un des éléments de paysages les plus marquants de la moyenne forêt noire (mittlerer Schwarzwald) étaient les Besenginsterweidfelder (Neff et al. 2004 ) – les landes à genêts de balais (Cytisus scoparius) qui formaient un mosaïque avec les Sapinières riches en Houx (Ilex aquifolium) – un paysage qui fut autre fois entretenu par les feux pastoraux – élément de paysage aujourd’hui malheureusement en voie de disparition grâce à l‘ embroussaillement. C’est le vif jaune de landes de genêts qui a tant influencé les couleurs dans l’œuvre de Wilhelm Kimmich qu’on parle aussi de Kimmichginster . Les paysages changent, la forêt progresse et les Kimmichginster disparaissent de plus en plus de la Raumschaft Schramberg, du Fohrenbühl (une petite géographie gastronomique du Fohrenbühl se trouve ici) et du reste du mittlerer Schwarzwald. (Quelques mots sur ce paysages de forêts et de landes ouvertes se trouvent aussi dans la notice – les cartes postales du Bäslecarl )

J’étais vraiment surpris de découvrir à quel point la forêt domine la ville où j’ai grandi ! Les habitations, les maisons sont réellement encerclées par la végétation et on pourrait même parler de phénomène de californisation dans la Talstadt de Schramberg. Sauf qu’en ce qui concerne le terme californisation dans le sens de l’écologie du feu, c’est plutôt l’habitat qui progresse et s’entrecroise avec les paysages abandonnés où garrigue, maquis et forêts reprennent leurs droits, ce qui provoque en cas de feux de forêts des situations difficilement gérables par les pompiers. Situation bien connue aussi dans les milieux méditerranéens européens, nord-africains, australiens et nord-américains (Californie). En langage scientifique anglo-américain le phénomène est désigné comme « forest – urban interface » car la californisation dans la géographie agraire américaine est utilisée pour désigner les processus d’intensification de l’agriculture méditerranéenne. A ma connaissance le terme de californisation fut pour la première fois utilisée dans l’agro géographie anglo-américaine par David B. Grigg pour désigner l’intensification de l’agriculture dans le Bas – Languedoc (dans le Livre the agricultural systems of the world – an evolutionary approach p. 129) en 1974. A Schramberg ce n’est pas l’habitat qui progresse, dans la Talstadt de Schramberg l’habitat a plutôt tendance à se rétracter. Ici c’est principalement la Foret qui progresse. Annette Melvin a bien raison de craindre le risque grandissant de feux de forêts à Schramberg. Naturellement ce phénomène de progression de la forêt et de l’augmentation des risques de feux de forêts en période de forte chaleur et de sécheresse accentuée ne se limite pas à la ville de Schramberg, – mais touche une grande partie de la Forêt noire. Notons que si Météo France ne se trompe pas trop ( voir l‘ article « L’Europe de l’Ouest se prépare à un été très chaud » paru dans le Monde du mardi 6 juillet et mon billet « L’Europe de l’Ouest se prépare à un été très chaud – et devrait se préparer en conséquence à un été avec un très fort risque d’incendies de forêts » qui se réfère a cet article du Monde) cet été pourrait devenir un été particulièrement propice aux incendies de forêts, que ce soit sur la péninsule ibérique, en France ou en Allemagne.

Verwaldung und Verbuschung in Schramberg 2.7.2010Les risques de feux de forêts, (la mémoire collective a totalement oublié qu’historiquement la Forêt noire a aussi eu son lot d’incendie) ne sont certainement pas une des préoccupations principales des habitants de Schramberg. Pour eux , la progression de la forêt prend surtout la lumière en hiver et plonge la ville encaissée dans le vallon étroit de la Schiltach dans une ombre obscure que les habitants ne semblent pas trop apprécier. Le manque de lumière dû à la progression de la forêt est perçu comme une des principales nuisances environnementales à Schramberg.

Blick vom Tössberg auf die Geißhalde 2.7.2010

La commune de Schramberg (Stadtverwaltung) est bien obligée de réagir et on emploie donc des troupeaux de brebis ou de chèvres pour endiguer l’invasion de la Talstadt Schramberg par la forêt sauvage. Le jour où on reverra des chèvres brouter sur les falaises de la Geißhalde (allemand souabe = collines des chèvres) après plus d’un siècle d’absence semble être proche. Dans des autres secteurs pour créer des couloirs respiratoires (Frischluftschneisen), on procède même à des coupes blanches en pleines forêts. Et on pense à entretenir ces coupes par le pâturage (chèvres & brebis) et par endroit même par l’utilisation de chantiers de feu dirigée. Il faut dire que la nature du terrain ,les fortes pentes du Schramberger Talkessel font que l’entretien par moyens mécaniques de ces coupes est financièrement quasiment impossible ,très difficile , rappelle beaucoup les situations de haute-montagne.

Freischlagfläche Steighäusle Juli 2010

En 1984 j’ai passé mon bac au lycée de Schramberg ,1984 fut l’année du Waldsterben – l’année où le Spiegel annonçait la disparition de la Sapinière de la Forêt Noire. On nous annonçait un paysage désertique – sans arbre – Wolf Hockenjoos publia son livre énigmatique « Tännlefriedhof – Bilder einer Verwandlung » (cimetière des sapins – images d’une métamorphose) .Qui aurait cru en 1984 que presque 25 ans plus tard la progression « sauvage » de la forêt pourrait être perçue comme un problème environnemental majeur dans certaines parties de la Forêt Noire. Comme bachelier nous pensions que les sapins pourraient disparaitre des horizons des montagnes. Quels changements ! Notons en fin de billet que le même Wolf Hockenjoos en 2008 publia un magnifique livre sur l’arbre mythique de la Forêt Noire, – le Sapin blanc (Abies alba) (Tannenbäume – eine Zukunft für Abies alba) – un livre qui ne parle pas seulement du Sapin en Forêt Noire – mais qui nous décrit aussi le sapin blanc dans son aire naturelle européenne.

Qui à Schramberg en 1984 aurait cru que 25 ans plus tard la progression de la forêt pourrait être perçue comme un problème environnemental ?

Verwaldung am Sonnenberg - Stadtpark in der Talstadt Schramberg Juli 2010

Photo: Progression de la forêt dans la Talstadt Schramberg © C.Neff 2.7.2010

Même de nos temps, la dynamique des paysages peut encore nous surprendre !

Cela me rappelle les mots d’Éric Lambin dans l’introduction de son livre « la terre sur un fil » où il écrit : « Ainsi fonctionne la planète Terre: en constante évolution, toujours éloignée de l’équilibre et s’adaptant par des mécanismes subtiles à la configuration du moment pour assurer sa viabilité. Les grands cycles climatiques, l’évolution biologique et les changements naturels des paysages font partie de ce mouvement de balancier qui maintient la Terre sur son fil. (Lambin, 2004, 13) »

Photos : toutes © C. Neff 2.7.2010

La Villa Fink envahit par la forêt, Vue sur la Geißhalde depuis le Tössberg, Progression de la foret à Schramberg – Sulgen et coupe blanche du Steighäusle comme couloir respiratoire, Vue sur le Stadtpark et le Sonnenberg (sous titre dans le texte = Progression de la forêt dans la Talstadt Schramberg)

Sources et littérature citée:

Grigg, D.B. (1974): The Agricultural systems of the world. An Evolutionary Approach. Cambridge (Cambridge University Press), ISBN 0-521-20269-8 (1976 Reprint)

Hockenjoos, W (1984): Tännlefriedhof. Bilder einer Verwandlung. Hinterzarten (Gerhard schillinger verlag), ISBN 3-924838-02

Hockenjoos, W (2008): Tannenbäume – eine Zukunft für Abies alba. (DRW-Verlag Weinbrenner), ISBN 978-3-87181-723-6

Lambin, E. (2004): La Terre sur un fil. (Le Pommier). Paris, ISBN 2-7465-0198-8

Neff, C. Bassing, S., Scheid, A., Jentsch, C., Franger, S. (2004): Emploi du brûlage dirigé pour la protection de l’environnement et l’entretien du paysage – observations sur quelques exemples français (Pyrénées Orientales & Gard) et allemands (Raumschaft Schramberg Forêt Noire /Allemagne). In:., Scheid, A., Neff, C., Jentsch, C (Eds): Flächenextensivierung im Mittleren Schwarzwald. Ergebnisse und Diskussion der in der Raumschaft Schramberg durchgeführten geographischen und landschafts – feuerökologischen Untersuchungen. Materialien zur Geographie, B. 34, Mannheim, 89 – 107. (ISBN 3-923750-92-7).

Christophe Neff, Grünstadt le 14.7.2010

2 Kommentare zu „La Forêt progresse à Schramberg – et les risques d‘ incendies aussi

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