Homme libre – Homme livre: François Maspero

Francois Maspero et les paysages humains  scan CVL1A peine avais-je publié mon dernier billet sous le titre « A la recherche des souvenirs d’un vieux texte de 2001 « Deux ou trois choses que j’ai vues de l’Algérie» de François Maspero » » me parvenait avec la poste le beau livre « François Maspero et les paysages humains ». Toute suite je me mis à le feuilleter, à lire les premiers chapitres …. et finalement je retrouvais aussi le lieu où François Maspero avait passé une partie de l’été 2001, en Algérie, sur la côte algérienne. Lundi matin , le 13 avril 2015, j’apprenais via l’article de Catherine Simon, que François Maspero venait de décéder durant la journée du Samedi 11.04.2015, – donc la même journée que j’avais publié ma petite notice de blog sur cet été 2001 que François Maspero avait passé sur la côte algérienne, que je recevais le livre sur la vie et l’œuvre de François Maspero – « Homme libre – Homme livre[1] ». Etrange coïncidence….   On peut trouver une nécrologie intéressante chez Pierre Assouline dans la RDL, – dans le Monde version papier nous trouvons une nécrologie exhaustive sous le titre « François Maspero – Editeur et écrivain » de Catherine Simon[2]. Catherine Simone nous parle aussi un peu de ce livre « François Maspero et les paysages humains » que je viens de recevoir. Elle parle d’un bel ouvrage consacré à François Maspero[3]. Oui ce livre est un bel ouvrage sur la vie et l’œuvre de François Maspero – c’est une véritable géographie humaine des paysages intérieurs de François Maspero, de sa vie avec et pour les livres, – mais c’est aussi d’une certaine manière une histoire des rêves d’une certaine gauche française, – ses rêves, ses illusions perdues. Le livre est une véritable source de témoignages, de documents sur la vie, les livres et les hommes qui entouraient François Maspero. Ces témoignages débutent avec un chapitre intitulé « la fidélité  Maspero [4]» de Edwy Plenel, – et finissent avec le chapitre « un sacré colibri » de Patrick Chamoiseau. Sur presque 70 pages Julien Hage nous livre une histoire détaillée des librairies et éditions Maspero[5]. Nous trouvons dans ce livre une reproduction des couvertures des livres des éditions Maspero, – et un catalogue des éditions Maspero, faisant de ce livre aussi une documentation sur l’édition française après-guerre. Dans la deuxième partie du livre nous trouvons entretiens et témoignages avec François Maspero. C’est ici dans cette partie témoignage que nous pouvons retrouver les traces et les lieux du texte « Deux ou trois choses que j’ai vues de l’Algérie ». C’est dans la reproduction du Postface à la réédition des Romans de Sadek Aïssat[6][7] que nous apprenons où François Maspero avait passé l’été 2001. Je ne me suis pas trompé en écrivant dans les notes en bas de page que je pensais « que le texte de Maspero  ne parle pas de Bejaïa, mais bien d’une ville tournant le dos à la plaine de la Mitidja dans les environs d’Alger » car François Maspero avait bien passé l’été 2001 à Aïn Taya dans la banlieue est d’Alger. Dans ce contexte je me permets de citer un extrait de ce texte « Et donc est arrivé cet l’ été 2001 où Sadek m’a fait ce nouveau cadeau, le plus beau de tous. Après dix ans passés loin du soleil natal, il avait décidé de revenir sur sa terre. Et il m’a demandé de venir avec lui. De partager avec lui l’émotion de ce retour tant attendu, probablement craint aussi : qu’allait-il retrouver ? Un tel acte de confiance ne se refuse pas : il ne peut qu’éblouir celui qui en est l’objet. Ce fut ce mois de lumière passé à Aïn Taya. Chez sa sœur, qui ne s’attendait certes pas à voir arriver, avec sa famille, cet ami français inconnu et dont elle lui dit simplement : « Qu’il vienne, puisque c’est ton ami ».

Nous trouvons dans ce livre aux pages 327 – 331 une bibliographie-filmographie où sont inventoriés les livres et textes écrits par François Maspero, ses traductions, mais malheureusement le texte auquel j’ai consacré mon dernier billet « Deux ou trois choses que j’ai vues de l’Algérie » publié le 22.Novembre 2001 par le Monde n’y figure pas.   C’est un peu dommage. Mais à part ça le livre « François Maspero et les paysages humains » est un merveilleux livre a l’honneur de François Maspero, – une mine de savoir et de témoignages quasiment inépuisable sur la vie et les livres de François Maspero.

Je ne suis pas un spécialiste de François Maspero, – simplement un simple lecteur bloggeur citoyen du week-end, – je crois qu’une des dernières interviews que François Maspero a données fut l’entretien « Entretien avec François Maspero : « Quelques malentendus » dans la revue période. Cet entretien mérite la lecture car on y trouve un condensé de ses rêves et de ses combats. Peut-être les amis de François Maspero pourront-ils établir une sorte de « Werkverzeichnis » où on trouve tous ces textes, traductions, productions, entretiens documentés.

Finissons ce billet avec une vue sur l’Allemagne – malheureusement en Allemagne il semble que François Maspero semble être un illustre inconnu, son décès est presque passé inaperçu. Certes il faut dire que le décès de Günter Grass, le dernier « deutsche Großintelektuelle » de l’après-guerre (écrivain-intellectuel engagé) comme disait un de mes amis, n’a laissé que peu de place médiatique pour les autres écrivains – on a un peu écrit sur le décès de Eduardo Galeano, mais presque rien sur François Maspero. C’est dommage, car c’est grâce à François Maspero que la dissidence des années 1970 dans les pays de l’ est sous domination soviétique eut un reflet, une audience internationale dans les pays francophones et bien au-delà –   Varlam Chalamov «Récits de la Kolyma  », Gdansk la mémoire ouvrière, Robert Havemann « être communiste en Allemagne de l’est » pour simplement en nommer quelques-uns …. Néanmoins Marc Zitzmann a écrit une très belle nécrologie sous le titre « Zum Tod des Pariser Verlegers François Maspero – Partisan für die Freiheit »dans la Neue Züricher Zeitung, même si cet article ne prend pas en compte l’engagement pour la dissidence dans l’ancien bloc soviétique auquel appartenait aussi l’Allemagne de l’Est. Mais à part cette petite lacune c’est un bel hommage à François Maspero. Notons aussi que depuis peu il y a aussi un article sur François Maspero dans la wikipedia.de – traduit de l’article anglais.

Francois Maspero et les paysages humains scan CVL2Je ne connais François Maspero qu’à travers ces écrits,   – je n’ai jamais eu la chance de le connaitre personnellement. Pour ses années de libraire-éditeur j’étais bien trop jeune, – mais si j’avais eu de la chance de rencontrer durant ces dernières années j’aurais bien aimé lui demander ce qu’il pensait de l’Algérie contemporaine, de la montée de l’obscurantisme religieux dans le monde, de la montée des nationalismes en France, en Russie etc. ….

Je pense que François Maspero était aussi un géographe, – à travers ses écrits, ses textes et ses livres nous apercevons les regards d’un homme libre sur les paysages humains.

Sources:

Guichard, Bruno; Hage, Julien; Léger, Alain (Eds.) (2009): François Maspero et les paysages humains. Lyon (La fosses aux ours – a plus d’un titre). ISBN 978-2-35707-006-6

Simon, Catherine (2015) : « François Maspero – Editeur et écrivain ».In : Le Monde, Mardi 14 avril 2015, p. 16.

Photos : Scans de la couverture (vice &versa) du livre « François Maspero et les paysages humains »

Christophe Neff, écrit le 19.04.2015 à Grünstadt, publié le 19.04.2015

P.S. (21.04.2015: 18:55): Concernant la réception de François Maspero en Allemagne, – je viens de trouver cette nécrologie remarquable de Danilo Scholz « François Maspero (1932-2015) » dans le Blog de le revue « Merkur – deutsche Zeitschrift für europäisches Denken ». C’est un très bon texte méritant la lecture.

[1] Le livre est le catalogue de l’exposition éponyme sur François Maspero (voir ici et ici)

[2] Publié sous le titre « François Maspero, enfant des guerres du XXe siècle » dans version électronique pour les abonnes Le Monde.

[3]« De l’été 1959 jusqu’à la fin de l’année 1960, François Maspero « officie pratiquement seul (…), corrigeant, composant les livres et créant jusqu’aux couvertures », raconte l’historien Julien Hage, dans le très bel ouvrage, Maspero et les paysages humains (La Fosse aux ours-A plus d’un titre, 2009) qui lui a été consacré » citation extrait de Simon, Catherine (2015) : « François Maspero – Editeur et écrivain ».In : Le Monde, Mardi 14 avril 2015, p. 16.

[4] Sous le choc de la disparition de François Maspero Edwy Plenel a publié le chapitre « La Fidélité Maspero » dans son blog.

[5] Hage, J. (2009): Une brève histoire des librairies et des éditions Maspero   1955- 1982. In : Guichard, Bruno; Hage, Julien; Léger, Alain (Eds.) (2009): François Maspero et les paysages humains. Lyon (La fosses aux ours – a plus d’un titre), p. 93- 160.

[6] Maspero, F. (2009): Sadek Aïssat –   Postface à la réédition des Romans de Sadek Aïssat, Editions Barzakh, Alger 2009. In : Guichard, Bruno; Hage, Julien; Léger, Alain (Eds.) (2009): François Maspero et les paysages humains. Lyon (La fosses aux ours – a plus d’un titre), p. 298- 304.

[7] Dommage qu’a l’heure où j’écris ce billet on ne trouve pas d’article sur le journaliste et écrivain Sadek Aïssat dans la wikipedia.fr.

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