Blognotice 28.10.2013: Bienvenue au Merkelland

Mandats directs lors de l’élection du 22 septembre 2013. Légende: bleu = CDU/CSU, rouge = SPD, violet = die Linke, vert = les Verts. Source Wikimedia.org 2013

Il y a maintenant plus que quatre semaines Madame Merkel a remporté un grand succès électoral, frôlant presque la majorité des sièges du 18ème Bundestag. Politiquement parlé, ce succès électoral, qui fut un véritable raz de marée pour la CDU( voir  les résultats directs (Direktmandate) de la CDU)fut plutôt une victoire à la Pyrrhus, plus de quatre semaines après les élections, le nouveau gouvernement ne s’est pas encore formé. En ce moment il semble qu’une grande coalition avec la SPD est en train de se former, mais il ne semble pas du tout acquis que les troupes de la SPD suivront leur général Sigmar Gabriel pour une grande coalition sous la chancelière Merkel. Est-ce que les membres du SPD, voteront lors du « Mitgliederentscheid », qui est prévu afin de finaliser les « pourparlers de Coalition »  pour le « Koalitionsvertrag » avec la CDU. Ce Mitgliederentscheid semble encore très loin, mais actuellement je pense que les barons de la SPD auront des grandes difficultés à  persuader les militants de la SPD de voter pour une « Grande Coalition » lors du Mitgliederentscheid. La peur d’être marginalisés par la superpuissante Angela Merkel et la CDU est grande chez les simples « Mitglieder »(adhérents) de la SPD. Et si Angela Merkel ne trouvait pas de partenaire, elle ne semble guère tentée par l’option d’une Minderheitsregierung (Gouvernement minoritaire), – des nouvelles élections,  les Neuwahlen , des potentielles nouvelles élections porteront vraisemblablement la CDU vers une majorité absolue au Bundestag, une situation, il faut le rappeler, que jusqu’à présent seulement Kondrad Adenauer avait réussi  lors des élections fédérales de 1957 à affronter. La SPD se trouve donc aussi dans une situation délicate. Pour voir à quel point la CDU est déjà omniprésente dans le paysage politique allemand depuis les Bundestagswahlen 2013 il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte des Direktmandate (Mandants directs), le bleu (CDU) (191 mandats directs) et le bleu-foncé (CSU) (45 mandats directs) dominent largement, – par contre l’opposition en rouge le SPD (58), la Linke en violet (4 mandats directs), et les verts en vert (avec 1 mandat quasiment invisible) est presque invisible face aux couleurs bleu dominantes. J’ai bien l’impression, qu’en France, cette facette du succès électoral de Madame Merkel est restée inconnue. Lisant assez souvent les commentaires dans les divers articles du Monde sur l’Allemagne, dans le Blog de Frédéric Lemaitre etc. on a assez souvent l’impression qu’une grande partie de commentateurs croient vraiment qu’une grande partie des Allemands vit sous le seuil de pauvreté, végétant au niveau Hartz IV avec des petits boulots à 1 euro l’heure.  Mais ceci est une image d’Epinal qui et ici je reprends une citation de Guillaume Duval (2013 : 10) « ne peut cependant fonctionner que parce-que qu’elle s’appuie sur l’ignorance profonde et probablement croissante de sujet de l’Allemagne ». Madame Merkel n’aurait jamais rapporté ce raz de marée électoral le 22. Septembre 2013, si une grande partie de la population allemande vivait sous le seuil de pauvreté avec un salaire guère au-dessus du niveau Hartz IV. Naturellement il y a de la pauvreté, des exclus, des marginaux dans l’Allemagne des années 2013, oui il y a même comme en France des quartiers à Berlin ou à Dortmund ou à Duisburg où la police n’ose pas trop entrer, – cela existe – mais cela est loin d’être une généralité dans l’ Allemagne de l’an 2013.

Pour avoir un tableau assez réussi de l’Allemagne avant électorale de 2012 & 2013 je ne peux que recommander le livre de Guillaume Duval « Made in Germany. Le Modèle allemand au-delà des Mythes » même si ici et là se trouvent quelques erreurs d’approximations. La grande victoire électorale de Madame Merkel du Septembre 2013, même si au niveau politique cela ressemble plutôt  à une victoire à la Pyrrhus, montre à quel point une très grande majorité des allemands sont satisfaits  de  leur situation socio-économique actuelle. Au niveau actuel il est encore difficile de déchiffrer la silhouette du prochain gouvernement allemand. Par contre ce gouvernent devra résoudre au moins deux défis majeurs. S’attaquer enfin au problème d’une infrastructure en pleine décomposition.  À part le réseau classique ferroviaire français qui vu l’état des lignes de chemin de Fer dans le Massif central, les Vosges du Nord etc. est dans piètre état, on peut dire qu’en général  les voies de communication en France sont dans un meilleur état qu’en Allemagne. Le deuxième défi c’est d’enfin s’attaquer  au grave dysfonctionnement de la recherche universitaire et appliquée en Allemagne. Dans une très grande partie des matières scientifiques une majeure partie des Post-Docs est obligée d’émigre aux Etats-Unis, au Canada, en Suisse – et même en France  – car ils n’ont aucune chance de trouver un poste permanant dans le système de recherche allemand, grâce à la fameuse règle de 12 ans[1]. Une société, qui est tellement dépendante  du savoir-faire de ces ingénieurs et scientifiques comme la société allemande va droit au mur si elle n’est pas capable de créer des débouchés et des perspectives pour ses meilleures têtes ! Donc déjà deux défis énormes à affronter pour le prochain gouvernement allemand, il y a de plus le problème démographique qui pèse lourdement sur l’avenir allemand,  la société allemande est une société vieillissante ! Mais pour le problème démographique allemand il n’y a certes pas de solution politique à court et moyen terme !

Mais pour l’instant, l’Allemagne attend surtout avec une impatience grandissante la composition du nouveau gouvernement Merkel. Avec qui Madame Merkel, avec quelle équipe va-t-elle gouverner l’Allemagne pendant les prochaines quatre ans ?

Sources:

Duval, Guillaume (2013): Made in Germany. Le Modèle allemand au-delà des Mythes. Paris, Éditions du Seuil janvier 2013, ISBN 978-2-02-109779-5

Wikimedia Org (9.10.2013): Carte des mandats directs = Direktmandate nach Partei und Vorsprung – Bundestagswahl 2013, endgueltiges Ergebnis Source: http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Direktmandate_nach_Partei_und_Vorsprung_%E2%80%93_Bundestagswahl_2013,_endgueltiges_Ergebnis.svg  et  http://vis.uell.net/btw/13/atlas.html?wkr13sieger dernière consultation des deux sources 27.10.2013 19:00

Christophe Neff, le 28.10.2013


[1] La fameuse règle de 12 ans (Wissenschaftszeitvertragsgesetz) préconise que avec un doctorat on peut au maximum travailler 12 ans (6 ans de temps de doctorat, 6 ans de temps post-doc) dans la recherche scientifique sur un contrat à durée déterminée. Si durant ces 12 ans on ne trouve pas de poste permanent (unbefristete Planstelle) on doit quitter la recherche universitaire (ou établissement équivalent) !