
« Sur la route avec Tante Jeanne [1]» ce livre, je l’ai lu pendant mon séjour dans une clinique de réadaptation à Durbach entre forêts et vignes au bord de la Forêt-Noire – dans ma chambre par temps de pluie, orages etc. ou le soir quand la météo le permettait au bord de l’Heinrichs-Brunnen. Ce récit de voyage à travers la France des débuts des années 2000, sorte de pèlerinage vers Lourdes, ma permis de me replonger dans ce monde catholique, qui faisait aussi partie du paysage intérieure de ma propre Grand-Mère.

Ayant plus au moins vécu chez elle à Aubord dans le Gard durant les années 1980 et 1990[2], – j’avais pris l’habitude de lire en plus du « Monde » que je cherchais ou à Nîmes ou à Générac, parfois « le Monde » se trouvait aussi à Aubord, de lire ces lectures, – qui fut le mensuel catholique « le Pèlerin » et « la Croix du Midi (Croix du Gard) ». Je crois aussi de me souvenir qu’elle contribuait aussi de temps en temps avec des articles sur la vie religieuses entre Vauvert, Bernis, Aubord et Nîmes à la Croix du Midi. Et naturellement elle pratiquait aussi une sorte parfois très spéciale du culte marial. Et comme « Tante Jeanne » , elle aussi était une « fille de l’Est ». Je me souviens encore bien, que quelques mois avant de mourir elle entonnait « On ira pendre notre linge sur la ligne Siegfried » devant ma fille, qui n’avaient même par dix ans, ou lui parlait du « serment de Koufra » du colonel Leclerc « « Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg. ». Drôle de coïncidence, aujourd’hui, le jour que j’écris ces lignes, on fête le 80e anniversaire de la libération de la ville de Paris. On se souvient des exploits de la résistance, on se souvient du général Leclerc, de « La Nueve», – si naturellement on veut bien se souvenir, qu’on a un certain sens historique !

La « guerre », « l’occupation allemande », « la résistance », – mort et déportation faisait aussi partie de ce monde. Ma grand mère attendait jusqu’à la fin de ses jours le retour du cousin de son mari (mon grand – père) déporté « Libéro Casciola » du camp de Bergen-Belsen[3]. Ce monde des souvenirs de la deuxième guerre mondiale on le trouvait aussi bien dans le Monde de Tante Jeanne de Simone Morgenthaler comme chez ma propre Grand Mère. Même dans la Forêt Noire entre Durbach et Offenburg on trouve encore des vestiges de ces terribles années, le mémorial pour les résistantes Henriette Amable, Lucienne Barnet, Marie-Therese Mengel et Simone Pauchard qui fut fusillées le 27. Novembre 1944, victimes de la « Schwarzwälder Blutwoche ».
Une chose qui m’a particulièrement plu dans le livre de Simone Morgenthaler ce sont les passages en Alsacien (qui sont traduit en français dans le livre). Je lis et je comprends et je peux même parler un peu l’Alsacien, – en fait l’Alsacien est phonétiquement assez proche du Schramberger Schwäbisch (le dialecte souabe qu’on parlait à Schramberg dans les années 1950 – 2000). Quand j’étais petit les amis de me parents, disait souvent « der bua kann kei Hochdeutsch, – nur Französisch und Schwäbisch (le garçon ne pratique pas le « Hochdeutsch » seulement le français et le schwäbisch (le souabe)) – le français était ma langue maternelle – le « schwäbisch » je l’avais appris « uf de gass[4] » (dans la rue) et finalement le Hochdeutsch à école primaire au « Sulgen »[5]. Mais il faut aussi préciser que le « Schramberger Schwäbisch » que j’ai apris « uf de gass » – et aussi en train de disparaitre peu à peu au profit du « Hochdeutsch » et « Honorationenschwäbisch[6] ». Et comme j’ai grandit dans cette langue, – ce qui me permait même de lire le « Yiddish » en transcription latine ce qui est en fait qu’une version écrite du « Yiddish alsacien » [7], les passages en alsaciens dans Tante Jeanne m’ont réellement touché au cœur. Je pense que l’alsacien comme le Schwyzerdytsch est un train de devenir un véritable langue qui s’éloigne de plus en plus du « Hochdeutsch » . Il faut savoir qu’une grande partie des films de télévisions provenant de la Suisse alémanique sont sous-titrés en Allemagne, ou même comme les « Tatort Suisse » synchronise en « Hochdeutsch »[8]. Simone Morgenthaler dans son récit utilise souvent l’expression de culture germanique, peut être « Tante Jeanne » était une française de culture germanique, – mais de nos jours – je pense que les personnes maitrisant encore l’alsacien sont plutôt de culture franco-alémanique – et dans ce sens il me semble que le prix Johann-Peter-Hebel-Preis fut récemment décerné à Pierre Kretz. Et pour revenir à ma Grand-mère, chez elle à table à Eckbolsheim on parlait que le français. A sa table on ne parlait pas de langues « étrangères », c’était même plus ou moins « interdit » ! . Ici donc tout un autre monde que chez « Tante Jeanne » à Lochwiller. Mon grand-père, d’origine italienne, – quand il s’énervait, – et cela arrivait assez souvent – tombait dans l’italo-romagnole d’Hussigny – le dialecte qu’on parlait dans la « Basse-Italie » de Hussigny[9] ! L’alsacien à Eckbolsheim pendait ma petite enfance je le parlais surtout avec le frère de ma mère l’oncle Jean-Pierre, – et avec Edouard le fiancé et marie de ma tante Chantal!
On peut aussi lire le livre de Simone Morgenthaler comme voyage dans le temps, décrivant les paysages ruraux de la France du début des années 2000, du III ième millénaire, sorte de livre de géographie de la France profonde pendant les années de la présidence de « Jacques Chirac ». Et en parcourant la France avec le récit de Simone Morgenthaler on découvre aussi la vie « Nicolas de Flüe (Niklaus von Flüe/ Bruder Klaus)», on rencontre Robert Bengel[10], juste parmi les nations qui fut curée à Lochwiller de 1945 à 1959. On fait aussi la connaissance de Pierrette Bideau première méhariste et résistante et de son époux Henri Brandstetter, résistant et Chef d’état-major de la Brigade indépendante Alsace-Lorraine. Ces deux personnages qui ont façonnées l’histoire de France aurait largement méritée un article dans la Wikipedia francophone, – jusqu’à présent on ne retrouve pas beaucoup d’informations sur les deux, – sauf cette petite biographie militaire « Henri Brandstetter Schatzy » écrite par Marie Noèl Diener-Hatt sur le site du Comité pour la mémoire de la Brigade Alsace-Lorraine. Je pourrais longtemps continuer de décrire mes découvertes dans les lignes du récit de voyages de Simone Morgenthaler. Mais pour cela il faudrait peut-être même écrire un livre entier à part – « paysages historiques & histoires entre Strasbourg, Marmoutier, Lochwiller et Lourdes – sur les traces de Tante Jeanne et Simone Morgenthaler à travers la France profonde».
J’ai beaucoup aimé le livre « sur la route avec Tante Jeanne » écrite par Simone Morgenthalter. Petit B-Mol, – les éditions « la Nue bleues » aurait pu présenter une version électronique « epub » pour les « liseuses », car comme je l’ai déjà écrit dans ce blog, – je manque de place dans ma bibliothèque[11] !
Je suis géographe et j’ai donc une « carte cognitive » assez précise de la France – mais je pense qu’une petite carte de la France où on retrouve « Lochwiller » le centre du Monde de Tante Jeanne, et le tracé du voyage de pèlerinage de Lochwiller à Lourdes allez et retour à travers la France pourrait certainement enrichir le livre.

Durant mes derniers jours à la clinique de réadaptation à Durbach j’ai gravi le Ölberg pour voir si je pourrais apercevoir Lochwiller, mais je n’ai pas réussi à reconnaitre le centre du Monde de Tante Jeanne, – mais j’ai quand même pu reconnaitre la Cathédrale de Strasbourg depuis mon point de vue. Peut être un jour je ferai un petit tour vers Lochwiller, visiter Église Saint-Jacques-le-Majeur de Lochwiller, pour déchiffrer un peu les paysages qui ont fait partie de la vie de Tante Jeanne et d’une certaine manière de Simone Morgenthaler.
Et pour finir, – une traduction allemande serait certainement la bienvenue – en n’oubliant pas de traduire les parties alsaciennes en « Hochdeutsch ».
Le récit de voyage « sur la route avec tante Jeanne » écrite par Simone Morgenthaler était une lecture qui d’une certaine façon m’a permis de partir en voyage virtuel à travers la « France profonde » loin des réalités parfois étranges d’une clinique de réadaptation, un ouvrage à lire sans modération.
Bibliographie :
Minczeles, Henri (2022) : Histoire générale du BUND. Un mouvement révolutionnaire juif. Troisième édtion. Préface de Constance Pâris de Bollardière. Édition l’échappée Paris 2022, ISBN 978-23730910-9-0
Morgenthaler, Simone (2023): Sur la route avec Tante Jeanne. © La Nuée Bleu/EBRA Éditions Strasbourg, 2024, ISBN 978-2-7165-0957-2
Photos : © Christophe Neff, 05.08.2024, 10.08.2024, 11.08.2024,
Christophe Neff, Durbach & Grünstadt Aout 2024
P.S: Premier brouillon écrit début Aout 2024 à Durbach , réécriture et finissage fin Aout à Grünstadt, publication le 31.08.2024
[1] On retrouve une critique du livre dans France bleu Alsace sous le titre « „Sur la route avec tante Jeanne“ : le dernier livre de Simone Morgenthaler » et dans les DNA la critique de Serge Hartmann « L’autrice alsacienne Simone Morgenthaler raconte sa tante Jeanne. En mai 2000, Simone Morgenthaler décide de faire découvrir l’océan à sa vieille tante Jeanne qui n’avait encore jamais quitté l’Alsace. Un quart de siècle plus tard, elle livre le récit d’un road trip hexagonal d’une tendresse touchante. »
[2] Voir aussi « Aubord de « Macondo » (19.04.2014) » , « Blognotice: 22.4.2012 – un dimanche électoral en France » et « Blognotice 25.04.2015: premières floraisons d’Arbre de Judée à Grünstadt dans la Unterhaardt ».
[3] Voir aussi « Blognotice 6.5.2011 : – souvenir d’une longue attente pour un enfant du Pays-Haut mort en déportation ».
[4] Dans ce sens « In di gassn, tsu di massn » préface Yiddish dans l’histoire général du Bund écrite par Henri Minczeles.
[5] Voir aussi « I. Un blog sur les paysages : un petit début – ou quelle langue choisir ? »
[6] «Honorationenschwäbisch » literalement le « souabe » des notables, – originellement le Hochdeutsch des notables ayant fait des etudes universitaires avec une conotation dialectale suabe, – c’était le parlé des pasteurs protestants, des medicins, avocats, professeurs qui avait fait leurs etudes universitaire à Tübingen. Dans un certains sens les vestiges de la langue parle par Schiller, Hegel, Hölderlin, Mörike …..
[7] Ce qui en fait ressemble beaucoup au « Yiddish alsacien » une version du « Yiddish » plus ou moins en voie de disparition. Voir aussi « Sandrock, Lisa „Projektreportage: Das Elsässer Jiddisch/yiddish alsacien in Straßburg und im Elsass ». On trouve aussi on un « petit Lexique des mots d’origine hébraïque ou araméenne du judéo-alsacien (jéddischdaitsch) » et d’autres articles sur le Yédisch-Daïtsch sur le site du Judaisme d’Alsace et de Lorraine !
[8] Voir aussi „Tatort aus der Schweiz – Zuschauer beklagen sich über schlechte Synchronisation“ (Stuttgarter Zeitung, 17.06.2019)
[9] Voir aussi « Hussigny-Godbrange : la petite Italie du Pays-Haut »
[10] On retrouve un biographie de Robert Bengel « L’ Abbé Robert BENGEL, né en 1905 à Seltz – décédé en 1987 à Vaux-sur-Seine » ecrite par François Beck sur le site du Judaisme d’Alsace et de Lorraine
[11] Voir aussi « „Une liseuse „Tolino“ pour délester ma bibliothèque »