Commentaire sur le «Guide des plantes invasives» de Guillaume Fried (20.4.2012)

couverture guide plantes invasives friedLe «Guide des plantes invasives» de Guillaume Fried est certainement une première pour la France métropolitaine. A ma connaissance même pour le reste de l’Europe un tel guide n’existe pas. Pour l’Allemagne j’en suis sûr, – actuellement il n’existe pas d’ouvrage sur les « plantes invasives » en Allemagne – la « Feldflora  zu den invasiven Pflanzenarten Mitteleuropas » attend encore sa naissance. Le livre de Guillaume Fried, – préfacée par Jacques Maillet nous présente sur 272 pages cent seize espèces invasives ou potentiellement invasives en France (France métropolitaine + Corse) et pays limitrophes. Le guide s’adresse au grand public. Après une petite introduction – les 116 espèces reconnues comme invasives ou potentiellement invasives sont décrites  dans des fiches de deux pages avec photos d’indentification. La fiche des plantes comprend 5 sections : impact, origine, répartition, habitat & risque de confusion.  Ces fiches sont relativement détaillées. Ils comprennent tous les informations nécessaires pour identifier ces « plantes exotiques » sur le terrain. L’introduction d’une dizaine de pages est une sorte de « review article » pour le grand public – où l’auteur nous rassemble les connaissances  actuelles de la recherche internationale sur les plantes invasives – et surtout les transpose aux réalités géographiques & environnementales de France métropolitaine et des pays limitrophes. Ainsi l’auteur nous présente une définition très utiles et applicables pour l’écologiste de terrain pour un premier « diagnostique de terrain » des « plantés invasives ». Je cite : « Une part plus restreinte des plantes introduites parvient à se reproduire de façon autonome et à persister sans intervention humaine. Après vingt-cinq ans de présence, elles sont considère par les botanistes comme naturalisées. Les plantes invasives sont un sous-ensemble de ces plantes naturalisées qui sont capables d’étendre rapidement leur aire de distribution ou elles sont introduites. Cette extension ce manifeste souvent par des populations de taille importante, qui s’accompagnent parfois d’impacts environnementaux ou économiques (Fried, 2012, 9). L’introduction finit par un remarquable chapitre final dénommé « Faut–il lutter contre les plantes invasives ? ».  Ce chapitre est un résumée sur notre responsabilité envers les écosystèmes – et il n’a rien à voir avec la « hystérie » de certain mouvement écologiste envers les  « néophytes invasives/invasive Néophyten » en Allemagne durant la décennie entre 1990 et 2000 – cette hystérie « anti néophytes » qui fut remarquablement bien analysé par Ute Eser dans son livre « Der Naturschutz und das Fremde » – bien au contraire. Je cite « En réalité, tout le monde s’accorde pour reconnaître que la grande majorité des introductions ont été bénéfiques. Il suffit de penser aux nombreuses plantes alimentaires tellement présentées dans notre quotidien que l’on oublie parfois qu’elles ont un jour été introduites (Tomates, Pomme de terre, Noyer etc.). Inversement, on peut noter qu’il existe aussi des plans de lutte contre des espèces indigènes comme la Fougère-aigle ou le Prunellier, qui peuvent envahir les milieux ouverts suite à l’abandon d’activités pastorales (la nécessité de lutter contre la fermeture naturelle des milieux est un autre débat … ). Cela montre bien que le critère déclenchant une intervention n’est pas le caractère étranger de la plante, mais bien son impact (mesurable) sur les milieux (Fried, 2012, 28).

Au niveau de plantes traitées, je crois que l’auteur a vraiment le mérite de décrire presque toutes les plantes invasives ou potentiellement invasives de France métropolitaine et des pays limitrophes. Je pense qu’en considérant que le guide s’adresse en partie aussi au pays francophones européens – (partie francophones de la Belgique, Luxembourg, Suisse romande, Val d’Aoste en Italie) – ou aux pays où le français est encore pratiqué par une partie considérable de la population – je pense au Tessin (suisse italienne) – il manque au moins le palmier de Chine (ou palmier à chanvre) (Trachycarpus fortunei). D’ailleurs dans le langage courant le palmier de Chine est aussi dénommée Palmier du Tessin. Concernant mes propres recherches dans le midi méditerranéen français je pense qu’il faudrait rajouter aux espèces traitées par Guillaume Fried – Phormium tenax, Saccharum spontaneum, Nicotiana glauca (Neff 2003), Aptenia cordifolia et Caesalpinia gilliesii (Neff & Scheid 2005). Ces espèces pourraient certainement être introduites dans une deuxième édition révisée et augmentée de l’ouvrage de Fried, édition qui serait certainement « une bienvenue ».

Critiques – en fait je ne trouve pas beaucoup de point de critique. On aurait pu ci et là – nommer les synonymes de certains noms scientifique – car si le livre est destiné au grand public il faudrait peut-être aussi faire apparaitre les synonymes scientifiques sous lesquelles les espèces sont peut être connues d’un plus grand public. Je pense par exemple au « Cyano »  Acacia cyanophylla Lindley – qui nous e présente sous « Acacia saligna (Labill.) H.L. Wendl.  Ce qui est certainement correct d’après la nomenclature botanique actuelle en service – mais le grand public – est-il vraiment au courant de cette nomenclature botanique? Et ne parlons pas – du nom vernaculaire utilisé pour Acacia saligna, – le Mimosa bleuâtre –  mais peut-être j’ai simplement trop longtemps travaillé en Afrique du Nord – ou disons-le – l’espèce c’est tout le simplement « le Cyano ». Mais tout ça, ce sont, comme par exemple le fait de traiter les cinq espèces de PhyllostachysPhyllostachys aurea, Phyllostachys viridiglaucens, Phyllostachys nigra, Phyllostachys pubescens et Phyllostachys bambusoides dans un seul fichier ne tache guerre l’impression très positives de l’ouvrage. Concernant Phyllostachys – je crois les diffèrent espèces de bambous  (Phyllostachys spec.) – très difficile à déterminer pour les non spécialistes sont peut-être les espèces avec un « potentiel invasive » sous- estimé. C’est mon impression que je rapporte aussi bien du Tessin, du pays de Gex, de l’Alsace (Neff 2007) et du Pays de Bade. Autre petit b-Moll que je rajouterai, – c’est la petite Bibliographie d’une page que je considère comme largement insuffisante. Un ouvrage grand public devrait aussi donner une orientation bibliographique plus large. Le nouveau Kowarik (2010)  « Biologische Invasionen – Neophyten und Neozoen in Mitteleuropa »  la soi-disant bible pour les espèces invasive en Moyenne Europe (Mitteleuropa) – devrait y être mentionnée – c’est une référence qui avec une bibliographie d’une cinquantaine de pages est une véritable mine d’or pour l’analyse des espèces invasives en Europe Centrale. Même si le livre est écrit en allemand – et les connaissances d’allemand se rétrécissent de plus en plus en France – je crois que l’ait encore assez de « botanistes de terrain » avec de solides connaissances d’allemand. Même chose pour le nouvel ouvrage de Rotherham & Lambert (2011) sur la perception des espèces invasives par l’homme. Je pense aussi que l’un ou l’autre article scientifique aurait certainement enrichit la bibliographie du livre. Vue de la médiatisation de L’ Ambrosie (Ambrosia artimisiifolia) en France (et en Suisse romande) – on aurait certainement y inclure l’article de Bruno Chauvel & Émilie Cadet « Introduction et dispersion d’une espèce envahissante : le cas de l’ambroisie  à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia L.) en France » paru dans Acta botanica gallica. Mais ces petit b-Moll ne tache guerre l’impression positive du guide des espèces invasives écrit par Guillaume Fried.

Ce petit livre, – qui a aussi le mérite d’être « léger » et de trouver de la place dans un équipement de travail de terrain – est une prestigieuse aide pour le « géographe, botaniste, écologue  » professionnels travaillant (encore sur le terrain)  – ou tout simplement un bon guide de terrain pour toute amateur de la nature désirant savoir un peu plus sur les milieux qu’il fréquent.

Le guide s’adresse au grand publique de la France métropolitaine et des pays limitrophes – (partie francophones de la Belgique, Luxembourg, Suisse romande, Val d’Aoste) – ou au pays où le français est encore pratiqué par une partie considérable de la population – mais je pense que ce « guide & livre » peut très bien être utilisé en Espagne et au Portugal et même en Italie. Même chose pour le Maghreb. Connaissant assez bien la Tunisie, – je pense que c’est un guide idéal pour travailler sur l’impact des plantes invasives sur les écosystèmes tunisiens. Concernant la Suisse alémanique, – et considérant qu’en Suisse alémanique – les connaissances de français sont encore assez bonne – ce guide peut être une bonne aide de terrain pour des prospections de terrain sur les espèces invasives. Le guide de Guillaume Fried, peut aussi servir dans la partie Sud de l’Allemagne – (Baden-Würrtemberg, Rheinland –Pfalz, Hessen, Bayern) – peut-être même dans la partie septentrionale de Nordrhein Westfalen. Sachant bien que la connaissance du français en Allemagne sont en pleine dégringolade – je considère néanmoins – que le guide avec « ausreichenden Schulfranzösischkenntnissen » – faute d’une « Feldflora  zu den invasiven Pflanzenarten Mitteleuropas » actuellement disponible – peut être un aide précieuse pour la « Feldarbeit » – le travail de terrain.

Je résumé- le „Guide des plantes invasives „ de Guillaume Fried est une première pour la France métropolitaine (et peut-être pour une grand partie du reste de l’Europe). Je pense que ce petit livre est une vraie réussite, et qu’il vaut largement le prix de 18,90 Euro.

 

Fried, Guillaume (2012): Guide des plantes invasives.

Paris.  (Éditions Belin), 272 pages.  ISBN 978-2-7011-5793-1

Prix : 18,90 Euro

 

Literature et ouvrages citées :

Chauvel, Bruno; Cadet, Émilie (2011) : Introduction et dispersion d’une espèce envahissante : le cas de l’ambroisie  à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia L.) en France. In : Acta Botanica Gallica, 158 (3), 309-327, 2011.

Eser, Ute (1999): Der Naturschutz und das Fremde. Ökologische und normative Grundlagen der Umweltethik. Frankfurt/New York (Campus Verlag). ISBN 3-593-36250-3.

Fried, Guillaume (2012): Guide des plantes invasives. Paris (Éditions Belin), 272 pages.  ISBN 978-2-7011-5793-1

Kowarik, Ingo (2010): Biologische Invasionen. Neophyten und Neozoen in Mitteleuropa. Mit Beiträgen von Wolfgang Rabitsch. 2. Wesentlich erweiterte Auflage. Stuttgart, (Eugen Ulmer), ISBN 978-3-8001-5889-8

Neff, C. (2003): Les Corbières maritimes – forment-elles un étage de végétation méditerranéenne thermophile masqué par la pression humaine ? In: Fouache, E. (Ed.): The Mediterranean World Environment and History. IAG Working Group on Geo-archeology, Symposium Proceedings. Environmental Dynamics and History in Mediterranean Areas, Paris, Université de Paris – Sorbonne 24 – 26 avril 2002. Paris, 191 – 202, (Elsevier France, ISBN 2-84299-452-3).

Neff, C. (2007) : Naturkundliche Beobachtungen in Munchhausen (Frankreich) Sauerdelta und Laurophyllisation in Munchhausen.. In: VOGT, J., D. BURGER, T.K. BUTTSCHARDT, A. MEGERLE (Eds): Karlsruhe, Stadt und Region. Ein Landeskundlicher Führer zu bekannten und unbekannten Exkursionszielen. Karlsruhe, Regionalwissenschaftlicher Fachverlag, p. 201 – 215, ISBN 978-3-9811189-2-6

Neff, C., Scheid, A. (2005): Der mediterrane Süden Frankreichs. Vegetationsdynamik und Kulturlandschaft im Languedoc- Roussillon. In: Geographische Rundschau, 57, Heft 9, 38-44.

Rotherham, I.D., Lambert, R.A. (Eds) (2011): Invasive & Introduced Plants & Animals. Human Perceptions, Attitudes and Approaches to Management. London, (Earthscan), ISBN 978-1-84971-071-8

Christophe Neff, le 20.4.2012