C’était vendredi, le 16 février 2024, fin des cours du « Wintersemester ». J’avais bien diné avec un collègue pour fêter cela – diné aux « goldener Anker (ancre en or) » à Eggenstein. J’étais sur la route du retour pour Grünstadt, – je passais la forêt de pins entre Spire et Böhl-Iggelheim pour éviter les bouchons habituelles du vendredi sur l’A 61 entre Spire et le Frankenthaler Kreuz. Je pensai à la discussion de radio que j’avais écouté la veille sur la « Leitkultur [1]», Simone Egger, professeur de Anthropologie culturelle à l’université de la Sarre qui menait la dernière charge du « Bildungsbürgertum » allemand. Le matin même de ce vendredi, j’avais demandé à mes étudiants s’ils avaient déjà entendu d’un certain « Friedrich Hölderlin », – mais pour eux tous des futurs profs de Lycée aux Bade-Wurtemberg ou dans un autre Land du Sud de l’Allemagne, Hölderlin était un illustre inconnue ! Durant ma carrière académique j’avais déjà proposé des sorties sur le « Neckar et les paysages de Hölderlin » j’en parle d’ailleurs dans un de mes anciens billets « Les premiers jours de brumaire 2010 dans le Sud de l’Allemagne (Unterhaardt et Grünstadt, vallée du Neckar) » . Hölderlin et ses amis écrivains poètes comme Kerner, Mörike, Lenau etc. ont façonné d’une certaine manière la perception du paysage, de la « Heimat » du Bildungsbürgertum allemand. Je pense qu’il faudrait peut-être recommander à mes étudiants la lecture de la nouvelle version retravaillée et augmentée du livre « Der Neckar – eine literarische Reise ». Recommander un livre de plus 280 pages comme lecture pour étudiants, – c’est à priori une façon de se compliquer la vie. Je sors de la forêt de Spire contourne Böhl-Iggelheim, à l’horizon je vois les contreforts du « Pfälzer Wald », il commence à pleuvoir. Il pleut même assez fort, – je pense au nouveau roman de Clara Arnaud « et vous passerez comme des vents fou », dont j’ai commencé la lecture il y a quelque jours. On peut lire le livre comme un roman – ou comme un livre de géographie sur les paysages d’un pays perdu dans les Pyrénées ariégeoise. Je me demande pourquoi on ne trouve pas d’article Wikipédia sur Clara Arnaud.
Et soudain, la pluie battant sur le pare-brise, la nouvelle me parvient par la voix du speaker de la Radio des nouvelles de SWR2 « Alexeï Navalny » vient de décéder dans un camp pénal russe en Sibérie. Je pense au poème « La Mort du poète » de Mikhaïl Lermontov. Triste destin, – et quel courage ! Les « zaklioutchonny kanaloarmeets », les détenus-combattants du Belomorkanal et tous les autres « Zek/Zeka »[2] on décidément encore des beaux jours devant eux. Les ombres des « Zeka » ont été réveillés par le Tsar Poutine, – les grand forêts du Nord en Biélorussie, en Russie, en Sibérie – cachent ouvertement dans les paysages des vastes étendues éternelles les camps, les lagers ….. le soir même j’écoute le discours émouvant de sa veuve Ioulia Navalnaïa pendant la 60e Conférence de Munich sur la sécurité[3] .
La Russie de Poutine est redevenue un pays de bagnes, comme aux temps des Tsars, – je me souviens de mon premier billet dans paysages ecrit sur le règne de Poutine « Blognotice 22.12.2013: De Dostoïevski à Mikhaïl Khodorkovski », c’était en 2013, il y maintenant 11 ans …… de nos jours le rousskiï mir , c’est le monde des « lager[4]» dans les forêts du grand nord, c’est les terres de sang et de la désolation en Ukraine, ce sont les cris silencieux de «Maria Kalesnikava »[5] dans un bagne inconnue des paysages de forêts et de marécages de la Biélorussie ….
Bibliographie :
Arnaud, Clara (2023) : Et vous passerez comme des vents fous. Roman. Arles, 2023. © ACTES SUD, 2023, ISBN 978-2-330-18232-8 (epub)
Bürger, Jan (2024) : Der Neckar. Eine literarische Reise. Erste erweiterte um ein Nachwort ergänzte Taschenbuchausgabe. München, 2024, © C.H.Beck, ISBN 978-3-406-81490-7
Grünstadt, premier brouillon écrit le 16.02.2024, texte rédigée le 23.02.2024, publiée le 23.02.2024
[1] Voir : SWR2 – Forum: Deutsche Werte, deutsche Sitten – Brauchen wir eine Leitkultur?
[2] Voir: Extrait du billet : Memorial – les forêts de Carélie n’oublieront jamais les âmes perdues des « zaklioutchonny kanaloarmeets », « les détenus-combattants du Belomorkanalles « zaklioutchonny kanaloarmeets », les détenus-combattants du Belomorkanal et tous les autres « Zek/Zeka » »
[4] Goluag acronym de „Glavnoïé oupravlenie laguereï“
[5] Voir le billet „Maria (für Maria Kalesnikava) 12 Monate lang, Kein Wort nur Stille ….“