L‘ Allemagne fatiguée de son hiver (Hiver 2009/2010)

L‘ Allemagne est fatiguée de son hiver -relativement long et dur – pendant presque cinq semaines la plus grande partie de l’Allemagne a été recouverte d’un manteau de neige. Phénomène assez rare qui remonte à l’hiver 1978-79. Le DWD (Deutscher Wetterdienst = Météo national allemand) résume dans une info presse pour Janvier 2010 – „Ganz Deutschland unter  geschlossener Schneedecke„.

grunstadt-im-winter-3112010blog.1265444251.jpgLes premières neiges à Grünstadt sont apparues durant la nuit du 12-13.12.2009 et après quelques petites périodes de redoux, la neige est réellement réapparue fin décembre pour couvrir les vignes  et villages de l’Unterhaardt jusqu’à la nuit du 2 au 3 février.  Dans la Unterhaardt cela s’est plutôt bien passé – mais le reste de l’Allemagne, surtout le land de Mecklenburg-Vorpommern souffre énormément de cet hiver. Même ici en Rheinland-Pfalz on a dû fermer beaucoup d’écoles car dans beaucoup d’endroits le ramassage scolaire ne fonctionnait plus.

Est-ce que l’hiver actuel fut vraiment si exceptionnel ? Même si le phénomène que toute  l‘ Allemagne du nord au sud, de l‘ ouest à l‘ est soit couvert d‘ un manteau de neige -plus de  4 semaines – est assez rare, je ne crois pas que nous avons vécu en Allemagne un hiver exceptionnel.  Je crois plutôt que l’Allemagne a tout simplement pour diverses raisons oublié ce qui signifie un vrai hiver de moyenne  Europe (Mitteleuröpäischer Winter). Parfois on a même l’impression qu‘ une grande partie de la société a pris les divers scenarios de réchauffement climatiques pour les années 2020-2050, donc pour les décennies à venir , pour une réalité, et on a tout à fait oublié de se préparer pour de vrais  hivers. On pourrait peut être même dire «  hier war der Wunsch der Vater des Gedanken » on a pris ses désirs pour des réalités : on préférerait  vivre sans hiver, sauf naturellement pour la fameuse « weiße Weihnacht »( Noël sous son blanc manteau).

hanfpalmen-im-schnee-bad-durkheim-jan-2010-kopie.1265440779.jpgPersonnellement j’ai grandi dans un pays de neige, – et je suis vraiment perplexe de voir à quel  point l’Allemagne se laisse paralyser  par si peu de neige (voir ici les divers articles publiés par le SPON ; Kälte, Glätte, Schnee – Können wir Winter?;  Viel Eis, kein Salz Niedersachsen rät zum Verzicht aufs Autofahren;  Eisglatte Straßen – FDP fordert nationale Streusalzreserve ;  Luftbrücke – Bundeswehrhubschrauber versorgen Hiddensee mit Lebensmitteln ).  Durant mon enfance la Forêt Noire, la Raumschaft Schramberg fut un vrai pays de neige – des hivers qui duraient parfois de début décembre jusqu‘ en avril voire Mai , des masses impressionnantes de neige  telles que mon père , natif de Saulgau en Oberschwaben où les hivers sont beaucoup moins enneigés  qu’en forêt noire, nous a légué une impressionnante documentation photographique des paysages du Feurenmoos, du Fohrenbühl enneigé , tellement il était impressionné par la quantité de neige dans les  alentours de Schramberg .  A partir du début des années 1980 les chutes de neige devenaient de  plus en plus irrégulières ; un couvert de neige ininterrompu  de décembreà avril cela n’a plus existé,  je crois, depuis l’hiver 1985/86 .Dans ce pays de neige , on vivait avec la neige  (et on y vit encore) on se préparait, on prenait ses précautions. Le long des routes exposées  au vent on construisait en automne de longues grilles de congères car on savait bien que le vent peut rendre une route même avec un couvert neigeux assez mince impraticable en  une ou deux heures , ou même moins. Ce savoir apparemment a été oublie dans ¾ de l’Allemagne.

winterlandschaft-grunstadter-berg-3112010blog.1265444907.jpgMême ici à Grünstadt il y a eu des routes devenues impraticables par des congères – même si nous n’avons jamais eu plus de 20 cm de neige dans les environs de Grünstadt. A force de parler toujours de scénarios de changements climatiques, de réchauffement planétaire, j’ai bien l’impression qu‘ on a  tout simplement oublié la réalité d’un hiver banal. Il y a aussi des facteurs aggravants :durant les années 1969,70 et même encore dans les années 1980, une partie du trafic marchandises  était encore assurée par les chemins de fer en Allemagne – le trafic marchandise régional  aujourd’hui est exclusivement assuré  par la route en Allemagne (voir aussi St. Genis – Pouilly à bientôt) avec pour  effet que si un  seul camion se met en travers ,rien ne va plus ,et les routes sont coupées pendant des heures. Durant 4 semaines on pouvait dans les radios trafics entendre les litanies – wg. Querstehender LKW gesperrt – Route coupée à cause de camions en travers. C’est aussi une des conséquences d’une politique de transport « tout-camion » – un prix à payer durant un vrai hiver européen.

En ce qui concerne  les changements climatiques, on peut constater que la durée du couvert neigeux a certainement diminué durant les dernières deux décennies. Un  très bon exemple pour ce fait  est le « Weihnachtstauwetter ou Weihnachtsdepression » qui affecte une grande partie de la moyenne Europe. En moyenne 7 sur 10 hivers sont concernés par ce phénomène qui fait fondre une grande partie des neiges en  décembre – et ce phénomène et responsable que la weiße Weihnacht (noël dite blanche = paysage de noël couvert de neige) est un événement assez rare en Allemagne. La Forêt Noire connaissait naturellement aussi le phénomène du « Weihnachtstauwetter » mais avec une couverture moyenne de 50 – 100 cm de neige, les 30 à 40 centimètres qui fondait pendant le Weihnachtstauwetter n’avaient aucune conséquence pour les paysages hivernaux. De nos temps la couverture neigeuse de décembre n’atteint souvent même pas les  40 à 50 centimètres  et disparaît donc logiquement entre Noel et la St. Sylvestre. C’est  la un signe incontestable d’un changement climatique.

Mais tout ne semble pas lié aux changements climatiques. J’avais longtemps cru savoir que le téléski du Fohrenbühl a dû être fermé pour  cause de manque de neige dû aux changements climatiques durant les années 1990. Le Fohrenbühl qui  fut aussi l’endroit où je pris mes premiers cours de ski il y a plus 40 ans, et que j’ai déjà décrit brièvement dans la notice géo gastronomique « une forêt noire étoilée ».  Effectivement un des scenarios courants pour le tourisme d‘ hiver et les changements climatiques pour les deutsche Mittelgebirge prévoit que dans un proche futur  le couvert neigeux nécessaire pour le « tourisme de ski »  va faire défaut et mettre l‘ industrie du tourisme d‘ hiver en péril, – les « climatologues-scénaristes » ne partagent pas tous cet avis pessimiste (pour plus de matériel online , voir ; Folgen des Klimawandels für den Wintersport im Mittelgebirge; IfL Nationalatlas: Klimawandel ; Klimawandel und Wintersport in Mittelgebirgen ; Klimawandel im Schwarzwald und an der Nordsee) mais c’est en tous cas l‘ avis prédominant de la récherche climatologique appliquée en Allemagne. Donc jusqu‘ au 15 janvier 2010, je croyais que la fin du téléski du Fohrenbühl était due  aux conséquences des changements climatiques, au « global warming ».

verschneite-waldweide-bei-sommerecke-161.1265440014.jpgDu 15 au 17. Janvier je tenais mon séminaire annuel « Global Change » auquel la presse locale, en occurrence le Schwarzwälder Bote, consacra même un petit article « Wie wirkt sich der weltweite Klimawechsel im Schwarzwald aus? ». Pendant ce séminaire, j‘ ai appris par des sources locales – que la fermeture du téléski du Fohrenbühl  (Fohrenbühllift) n‘ avait rien à voir avec des problèmes d‘ enneigement  et  changements climatiques, mais est dû à des problèmes de bail entre les propriétaires du téléski et les propriétaires des pistes de ski – et que le lift (téléski) de Tennenbronn à quelques kilomètres de là et qui se situait à une altitude inferieure fonctionnait encore bel et bien. (Voire aussi les articles dans le Schwarzwälder Bote Tennenbronner Skilift in Betrieb & Der Schnee kann auch ein Vergnügen sein ? In Tennenbronn sind die Wintersportbedingungen optimal).  En regardant la carte des « certitude de neige » du IFL  (Schneesicherheit) se basant sur des données de 1980- 1999 ou voit que 60 – 80 jours de neige avec plus de 10 cm de couverture neigeuse y sont données pour la région entre Schramberg – St. Georgen. Donc assez de couverture neigeuse pour exploiter convenablement un téléski.  Naturellement exploiter un téléski dans un tel environnement n’est certainement pas une mine d’or – mais cela peut fonctionner. Donc des simples disputes ont sonné le glas du „Fohrenbühllift“ – pas  le réchauffement climatiques comme on aurait pu  le croire. On aurait tellement aimé raconter l’histoire de la fin du Fohrenbühllift – le téléski du Fohrenbühl une des premiers victimes du réchauffement planétaire  ….. mais hélas les réalités sont beaucoup moins spectaculaires.

Je ne sais pas si l‘ hiver en Allemagne va encore perdurer  et a quel point cet hiver particulièrement rigoureux et surtout particulièrement inattendu pour une grande partie de la société allemande va encore perturber la vie quotidienne  de beaucoup d’Allemands, même le monde a récemment consacré  une petit note à cet hiver particulier « La neige paralyse les transports dans le nord-est de l’Allemagne » , mais au moins dans la vallée du Rhin, le fameux Oberrheingraben, la neige a disparu et dans les espaces vert de l‘ université de Karlsruhe je viens de découvrir le jeudi  4.2.2010 les premiers  Hellébore d’hiver (Eranthis hyemalis ) ou en langue populaire les roses de noël, les fameux  Winterlinge en fleur. En plus les premières cigognes vient d’arriver en Palatinat (Die Rheinpfalz 6.2.2010) – le printemps s‘ s’annonce timidement l’Allemagne fatigué par cinq semaines de neige pourra enfin reprendre son souffle.

Photos :

1.) Grünstadt en hiver:  Photo © C.Neff 31.1.2010 (Canon Powershot A720IS)

2.) Le Grünstadter Berg en manteau d‘ hiver:  Photo © C.Neff 31.1.2010 (Canon Powershot A720IS)

2.)  Neige & Palmiers (Trachycarpus fortunei) à Bad Dürkheim : Photo © C.Neff 27.1.2010

3.) Paysage d’hiver entre Sommerecke & Fohrenbühl pris pendant le seminaire Global Change 15-17.1.2010 : Photo ©C. Banfield 16.1.2010

Source :

Die Rheinpfalz (6.2.2010) : Aus der Pfalz – Erste Störche in der Pfalz eingetroffen. Die Rheinpfalz, Sonntag 6. Februar 2010, Jahrgang 66, Nr. 31

Christophe Neff, Grünstadt le 6.2.2010

P.S. (6.2.2010 12:05): Et les Etats-Unis aussi redécouvre ses neiges et tempêtes d’hiver (East Coast Is Hit by ‘Potentially Epic Snowstorm ;  L’est des Etats-Unis pris dans une tempête de neige ; US-Ostküste ruft den Winternotstand aus)!

4 Kommentare zu „L‘ Allemagne fatiguée de son hiver (Hiver 2009/2010)

  1. Moin moin,

    certains media se sont fait des gorges chaudes de cette „Schneekatastrophe formerly known as Winter“ (pas besoin de traduire j’imagine). Néanmoins, ici dans le Nord de l’Allemagne, cela atteint des proportions assez inhabituelles. Nous habitons presque au centre ville de Hambourg et avons depuis 3 semaines 5 à 10cm de glace (oui, de glace) compacte sur les trottoirs. Même chose pour la chaussée, à l’exception des ornières laissées par les roues. La ville n’a plus assez de sel, depuis des semaines, pour dégager autre chose que les grandes artères. Le courrier arrive très irrégulièrement, les ordures sont collectées une semaine sur deux …
    La question sous-jacente et restant sans réponse: a-t-on rationalisé le salage au point de ne plus pouvoir assurer dès que tombent trois flocons de neige? Avons-nous oublié que l’hiver est une saison hostile où il est prudent de réduire son activité? Et surtout, est-ce ce qui nous attend chaque hiver, une fois que le changement climatique aura tari le Gulf Stream? Comme dirait mon père: tais-toi et déneige.

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